Rechercher dans ce blog

Affichage des articles dont le libellé est peintres. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est peintres. Afficher tous les articles

mercredi 30 avril 2025

L'ANECDOTE. SUR LE POINT D'ECRIRE UNE LETTRE.

Alors. Le billet est certes un peu long. Mais c'est vrai que mes articles les plus longs sont les plus lus, mais rien ne vous y oblige. 

L'anecdote. Au cours d'une visite, d'un voyage, dans un livre, un film il y a toujours quelque chose qui saute aux yeux, un petit quelque chose qui vous interpelle, une ambiance, un parfum fugace ou bien encore un détail,  anecdotique certes, mais qui restera une émotion, point d'ancrage dans votre mémoire en rapport avec le lieu, cette œuvre ou même cette personne. Et ce petit rien, cette anecdote se déniche partout, au détour d'une ruelle à Barcelone (Lien), ou dans une riche villa comme la villa Ephrussi de Rothschild (Lien), ou même dans une chapelle si magnifique soit-elle comme la Sainte-Chapelle. Ou dans un improbable ailleurs.


Jack B. Yeats 
Londres 1871-1957 Dublin
A propos d'écrire une lettre ou peut-être mieux traduit : Sur le point d'écrire une lettre
1935
Huile sur toile
Une grande partie de l'œuvre artistique de Yeats des années 1930 fait écho à ses propres efforts littéraires. Ce sujet est tiré d'un recueil de poèmes du XIXe siècle intitulé The Fancy, écrit par John Hamilton Reynolds sous le pseudonyme de Peter Corcoran. Dans le livre, un jeune homme se retrouve déchiré entre l'amour de sa fiancée et l'attrait d'un style de vie capricieux. "The Fancy" était un terme collectif appliqué au XIXe siècle à la boxe, un sport pour lequel Yeats avait un intérêt particulier.
Acheté en 1964 (Shaw Fund), NGI.1766

"About to Write a Letter" Cette lettre, anecdotique dans le tableau m'appelle. Oui ce tableau m'a tout de suite interpelé, déjà par l'opposition marquée des couleurs, ce rouge vermillon de la nappe versus le vert de la tapisserie mais aussi par le fort contraste des tonalités entre le visage blafard de l'homme et son costume noir, aussi l'ombre totale qui masque le sol. Si élégant soit-il l'homme est lugubre. Il se dégage de cette peinture une curieuse ambiance, Anecdotique 
Certes car perdue au milieu de toutes les peintures de la National Gallery of Dublin. Anecdotique oui c'est le mot, alors, le tableau m'intrigue. 
Je cherche la lettre, elle est là posée sur la table, on ne sait si la page est blanche - le trait du pinceau de l'artiste est expéditif - je la suppose encore vierge: la plume semble être sur le porte-plume et le titre de l'œuvre n'est-il pas Sur le point d'écrire une lettre ?

Je m'interroge : Pourquoi ce personnage (que je vais appeler Peter parce que vous ne pensez pas que je vais à chaque fois taper personnage) pourquoi Peter est-il debout ? Je ne crois pas qu'il va écrire sa liste de courses (il se dirige voir ce qui reste dans son frigo) non.

Non. Cherche-t-il l'inspiration ? je ne pense pas, d'ailleurs ne regarde t-il pas cette lettre fixement ? le tableau date de 1935, et à l'heure où vous me lisez, il la regarde toujours, hum donc non.

A bien y regarder, il est en mouvement, plus que des mouvements d'un tai-chi quotidien, je pense plutôt que Peter fait les cent pas,
 Il réfléchit, ça l'énerve, 
Il en a poussé violemment son fauteuil en bas à gauche pour éviter tout obstacle gênant,
être face à face avec cette lettre.
Debout,
Comme pour un duel , c'est une affaire entre elle et lui.
C'eût pu être l'attitude tant relatée de l'écrivain hésitant, en manque d'imagination devant la page blanche mais en fait c'est pire, il cherche une manière efficace de réponse dans ce duel: l'angle d'attaque,  nous sommes au début du combat.

L'atmosphère est tout aussi dramatique que la face pâle (aussi pâle quand j'y pense que les gaufres de mon gaufrier un peu lent à chauffer alors forcément quand j'ouvre j'ai deux gaufres pâlottes, oups là je digresse) la face pâle de Peter est tragique et cette lumière du jour masquée par l'opacité des rideaux rouges, retient mon attention, cette obscure clarté comme disait Corneille n'instille aucune joyeuse humeur mais indique plutôt la volonté du peintre de placer Peter dans un environnement très intime, solennel. Tirés les rideaux, fermée la porte, éteintes les bougies et la télé: Peter veut focaliser toute son attention sur cette fichue lettre qu'il n'arrive pas à attaquer (c'est le mot). L'heure semble grave, il fallait composer.

Sur ces très intelligentes mais vaines analyses, je me suis dit qu'il fallait donc que je lise "The Fancy", écrit par John Hamilton Reynolds alias Peter Corcoran, puisque le sujet, dit le cartel du tableau, en était tiré. 
Lire "The Fancy". (Ah mince pas d'édition française flute.) Lire "The Fancy" ne m'était pas très emballant mais une fois plongé dedans et accepté le thème et le format - m'être résigné en somme - j'ai trouvé - moi qui ne suis aucunement littéraire - la lecture comme assez curieuse.

Deux maisons d'éditions ont imprimé ce bouquin l'une, Taylor & Hessey en 1820 dans lequel John Hamilton Reynols écrit sous le pseudonyme de Peter Corcoran

The Fancy, a selection from the poetical remains of the late Peter Corcoran of Gray's Inn, student at law with a brief memoir of his life.


La seconde, Elkin Mathew en 1821, où John Hamilton Reynols est cité comme étant l'auteur:

The Fancy By John Hamilton Reynolds With a Prefatory Memoir and Notes by John Masefield And Thirteen Illustrations by Jack B. Yeats


Cette seconde version est illustrée par notre peintre Yeats ! J'y plonge. D'ailleurs la première illustration m'encourage: voilà Peter Corcoran en train d'écrire bon ok il est au lit et non dans une posture aussi combative que dans le tableau mais tout de même ça m'encourage.

John Hamilton Reynolds est un écrivain du début XIXe à Londres. Il écrit dans des journaux et publie des recueils de poèmes (Le Jardin de Florence). Ce qui est notable c'est qu'il est l'ami de John Keats. The Fancy, traduisez une envie, un caprice, une fantaisie, mais je préfère la définition de l'écrivain : Fancy est un terme pour toutes les canailleries. Là, The Fancy est la boxe.

À l'époque, la boxe était un sport populaire en Angleterre, bien qu'illégal. Les combats attiraient des spectateurs de toutes classes sociales et de nombreux ouvrages lui sont consacré comme “Boxiana” ou bien  "Tom Crib's Memorial to Congress" c'est donc dans ce contexte que Reynolds écrit “The Fancy”. 

Moi qui ai dans ma jeunesse davantage étudié le tableau périodique de Mendeleïev que la littérature (et surtout anglaise !), je n'ai pas la lumière à tous les étages dans ce domaine et je dois vous dire qu'en plongeant mon nez dans ce livre ce n'est pas un sentiment d'exaltation qui a soufflé les brumes de mon cerveau mais à défaut de le comprendre pleinement, il m'a bien amusé. The Fancy est un assemblage curieux de pièces burlesques, comiques, lyriques et de poèmes sérieux (ironiques ?) toutes à la gloire de la boxe: en un mot: extravagant.  Malgré la beauté de certains poèmes, on n'en est pas loin de penser qu'il s'agit d'une œuvre satirique à l'égard de la littérature pugilistique qui faisait flores à cette époque.

Mais tout de même : la curiosité aidant, j'avais mis donc le nez dedans, je me devais d'aller jusqu'au bout de mon enquête : de quel sujet Peter allait écrire sur cette page blanche ? 
Je ne sais pas vous mais moi,  j'attaque un livre par le 1er chapitre : je saute la préface quitte à y revenir ensuite si le livre m'a plu. Je dis ça car j'y reviendrais.

Le livre commence par une espèce d'opéra burlesque 
" KING TIMS THE FIRST: AN AMERICAN TRAGEDY.  "
L’intrigue de la pièce: Tims, ancien boucher anglais, avait emmené sa femme, son fils et un entrepreneur de pompes funèbres nommé Hatband dans une colonie isolée de l’Illinois, où M. Jenkinsop, en faillite, sa femme et sa fille Jemima les rejoints. ça commence par Jemima qui désire un homme, "même indien"
Humour absurbe et gras:
"Je suis amoureuse, mais je n'ai pas
d'amant pour moi ;
Si les sauvages n'étaient pas
assez sauvages pour ne pas me courtiser !
À moins d'être mariée, je ne peux pas être
heureuse épouse ou veuve. L'un ou l'autre m'est égal !
Tol de deriddle lido !
Tol de rol, etc.
J'ai un pédé ici,
Oui, et un bien vilain...etc.etc."

Elle jette ensuite son dévolu sur le fils Anthony Tims . Discours romantiques mais pompeux.
On apprend que celui-ci s’était délecté des combats de chiens, des combats de taureaux, de la boxe. Le Père Tims (devenu Le Roi Tims 1er, ne me demandez pas pourquoi, je n'ai pas compris, j'ai dû loupé quelque chose) et Jenkinsop, pensant qu’ils se trompent mutuellement, entament des relations amoureuses illicites chacun avec la femme de l’autre. A la fin, le Roi Tims découvrant l’infidélité de sa femme, assassine Jenkinsop ainsi que les deux femmes et se suicide. 

Humour grotesque :
Reine Tims: 
Nous avons faim, s’il vous plaît à Votre Majesté ; et boire ne nous rendra jamais moins affamés, à notre avis !
Roi Tims: 
Venez à notre droite, Reine ; Hatband, approchez-vous. Parlez, Mme Tims ; ouvre ton mug*, ma chère ; Les bouches ici sont faites pour parler, et non pour manger. Nous ne nous asseyons pas, car nous n’avons pas de siège.
* mug: bouche.
Humour macabre :
Le Roi:
Mes yeux se troublent, la lumière dansante meurt, baisse la lumière ; Madame, bonne
nuit ! [le roi meurt.]
Jenkinsop: 
Il est parti, comme certains meurent dans la boue ! Il est pour une charrette de viande froide *, et moi aussi : Sortez, bande de chats ! Vous nous avez manipulés ! [Jenkinsop meurt.] 
[La Reine et Mme Jenkinsop se prennent la main et s'allongent près de leurs époux respectifs.]
*Une charrette de viande froide, un corbillard."


Je n'irais pas plus dans les détails et pourtant il y aurait beaucoup à dire excepté , excepté ! Ce qui m'intéresse: aucune relation avec le tableau "Sur le point d'écrire une lettre"

Après cette pièce loufoque, s'en vient un long poème de 53 strophes 
"LES CHAMPS DE TOTHILL : UN FRAGMENT."
Là, je dois avouer encore que je n'y ai tout compris à part considérer ces strophes comme une description de sa situation de pauvre poète, admirateur de la boxe, et autres combats des chiens, ours et blaireaux, l'auteur explique le titre:
Ces champs de Tothill sont, pour les connaisseurs, généralement connus sous le nom de Tothill Downs. C'est quelque chose de plus romantique ... 
... C'est là que se sont déroulées d'anciennes batailles d'appel: c'est Tothill Fields.

présente son héroïne Bessy ("au mieux"):
Mon héroïne s'appelle au mieux Bessy, une créature très rieuse et rosée. Le nom plus romantique de Rose ou Jessy était dû, sans aucun doute, à sa douce nature. Ses cheveux sont ce que l'école cockney appelle des tresses ...

et lorsqu'il a fait le tour de ce qu'il avait à dire nous quitte:
Je vais donc m'arrêter à l'écurie de Fancy,
où Pégase est amené à appâter ...  Il est assez tard : demain après le petit-déjeuner, vers dix heures,
comme dit Macheath, je reprendrai la route.

Dans le site internet de Exclassic ce long poème est  résumé à ceci : "un fragment épique en ottava rima, intitulé The Fields of Tothill, dans lequel l’auteur divague à la manière byronienne et s’arrête, fatigué de sa tâche, avant d’avoir commencé à peser son histoire".

Je passe aussi cette partie donc car je n'y n'ai trouvé trace de "la lettre de Peter".


Vient ensuite une série de 10 poèmes. Autour de la boxe évidemment, et le premier réapparait un prénom déjà lu dans le long poème de Tothill précédent :  Kate

Strophes à Kate,
lorsqu'il comparaît fortuitement devant elle 

« Un œil au beurre noir lors d'une récente bagarre,
« Car parfois, il faut boxer sans masque. »
DON JUAN.

Tout puni et repentant, à genoux,
je m'incline devant toi, Kate, pour éviter un adieu :
Oh, que tes yeux, mon amour, ne me regardent pas d'un air noir,
car les miens sont forcés de te regarder d'un air noir.
Suis-je pire à tes yeux, parce que je suis pire à mes propres yeux ?
Les femmes doivent-elles punir, tout comme les hommes ?
Je pensais que tu aurais apporté, quand tu m'as trouvé
seul,
Opodeldoc et des sourires, pour me remettre sur pied.

L'opodeldoc est un liniment médical pour soigner les coups, on comprend ici que l'homme rencontre sa dulcinée au sortir d'un combat et qu'il a les yeux au beurre noir: aveu irrécusable qu'il boxe mais rien au sujet d'échange épistolaire entre Peter et Kate. 

Bref, j'arrive au bout du livre et je suis un peu dans cette position ci-dessous :je n'ai rien à rapprocher au tableau de Jack B. Yeats.

Il me reste à lire l'introduction de Masefield et la préface de Reynolds, je commence par cette dernière, on ne sait jamais elle peut me mettre sur la voie.

La préface est écrite par l'auteur J.H. Reynolds sous le pseudonyme de Peter Corcoran. (Peter Corcoran est aussi le nom d'un boxeur reconnu, mort avant que Reynolds ne naisse) 
J.H. Reynolds dans cette préface va nous raconter la vie de son Peter Corcoran jusqu'à sa mort, son Peter Corcoran à lui, étudiant en droit, personnage imaginaire donc mais inspiré de sa propre vie: il le fait naître à la même date et au même lieu que lui-même mais ne le fait pas mourir à la même date (il y met de l'humour, moi aussi). Je ne vais pas vous faire un résumé de cette biographie, il y met de l'humour, disais-je,
"Shrewsbury, une ville peu réputée pour ses hommes de talent ou de génie, mais proverbiale pour l'orgueil et l'arrogance de ses habitants et pour l'excellence de ses gâteaux."
Juste vous dire qu'il était donc amoureux d'une femme (dont il a transposé le prénom en Kate dans son bouquin). Mais en tombant par hasard sur un combat de boxe,  il se passionne pour the fancy - la boxe - et délaisse sa belle. Celle-ci le quitte et lui, rongé de remords, essaie de la reconquérir d'où arrivent des échanges de lettres ! Ah ! lettres ! ah ! pétard ! enfin la lumière dans ce long tunnel !

Dans cette préface J.H. Reynolds fait écrire à Corcoran une lettre à Kate que voici :

Traduction google qui je suis sûr manque de perfection
« MA CHÈRE KATE, » Je vous assure que je ne mens pas quand je dis que je regrette que ma dernière lettre vous ait été si sévère. Vous avez cependant riposté avec brio. Vous avez frappé mes jambes de pugiliste, fait perdre pied, vous m'avez plié en deux, ma lettre et moi, d'un seul coup, et vous m'avez littéralement terrassé.
 Et bien que (comme cela peut servir à le démontrer) vous ne m'ayez pas complètement « défait», vous voyez que je me remets au travail avec beaucoup de langueur ; et ce sera probablement le dernier round où je me présenterai devant vous dans une attitude de mouvement. Vous êtes trop forte pour moi. Je ne suis qu'un poids léger, et vous avez trop de gravité. Mes ralliements ne servent à rien. Si je porte un bon coup, cela ne se répercute pas sur vous. Vous êtes trop bien défendue. Je gaspille mon esprit et mon souffle en vain : si j’essaie de planter un crochet sur vos côtes qui vous fera trembler les flancs, vous vous moquez de moi, au lieu de vous moquer avec moi ; et finalement, vous m'avez envoyé une lettre par la poste qui me fend la mâchoire et me fait tomber. Impossible de tenir tête à un client du rhum* tel que vous. Je me garderai donc désormais d'un tel châtiment.
« Hélas, pauvre Fancy ! Si ses fleurs rencontrent un accueil aussi glacial dans le voisinage de sa propre Moulsey, elle pourrait tout aussi bien (comme le crocodile de Lord Castlereagh) mettre ses mains dans les poches de sa culotte, ou les utiliser à d'autres fins, plutôt que de les serrer en poings. Elle ferait mieux de découper immédiatement ses gants en mitaines et de passer ses doigts dans des bagues, au lieu d'y aller elle-même. »
* "client du rhum" : Un adversaire coriace duquel il faut encaisser une raclée ou en donner une.

Voyez-vous toutes ces expressions liées à la boxe ? riposté avec brio - dernier round - poids léger etc. etc... C'est exactement comme j'ai ressenti l'atmosphère en regardant ce tableau et scruter l'attitude du personnage ce qui rejoint mes premières pensées du début:
Il réfléchit, ça l'énerve, 
Il en a poussé violemment son fauteuil (en bas à gauche) pour éviter tout obstacle gênant,
 être face à face avec cette lettre.
Debout,
Comme pour un duel, c'est une affaire entre elle et lui.

Oui, il y a beaucoup à lire et je ne vous en veux pas si vous avez lu en diagonal. Juste à rajouter que cette littérature anglaise a été traduite par google et que donc toute la beauté, la poésie qui aurait dû en émaner se sont malheureusement estompées. 

A + !

M'ont bien aidé:


Autres anecdotiques billets:

L'anecdote David-et-Goliath

L'anecdote  Le Modeste Petit Tableau

L'anecdote Barcelone El mundo nace en cada beso, El món neix en cada besada, Le monde naît dans chaque baiser.


mercredi 12 février 2025

LA GALERIE NATIONALE A DUBLIN.

Nous étions de retour en Irlande et à la capitale Dublin ! oui et pas pour le boulot ! 

Avant de visiter la Guinness Store House - que je vous ai présentée foremost à la demande expresse de my pretty belly (ici) - nous avons d'abord sillonné cette belle ville et vu quelques incontournables, comme la Nationale Gallery of Ireland.

Sur trois grands niveaux, on peux y admirer de très belles œuvres d'artistes connus (Caravage,  Goya, Monet, Picasso, Rembrandt, Van Gogh ou encore Velázquez) 


Vincent van Gogh
Zundert 1853-1890 Auvers-sur-Oise
Toits de Paris 1886
Huile sur toile
Van Gogh s'installe à Paris au printemps 1886. Il peint peu après cette vue panoramique de la ville depuis Montmartre. Tout au long de sa vie, Van Gogh est fasciné par les ciels et les formations nuageuses. Ici, l'horizon bas fait la part belle à une étendue de ciel gris. Ce petit tableau aux couleurs sobres révèle à quel point Van Gogh était profondément lié à la tradition naturaliste à son arrivée en France. Quelques mois seulement après l'avoir peint, il rencontre Paul Gauguin et Émile Bernard, et son œuvre commence à prendre la couleur intense et l'empâtement vigoureux qui font sa renommée aujourd'hui.
Acheté en 2007, NGI.2007.2
87

Mais aussi des peintres plus locaux, plus "Iles Anglo-Celtes": Freud (Lucian), Leech, Maclise, Nicol (Erskine), Swanzy, Yeats, etc.

Je vous en ai choisi quelques uns comme d'habitude avec leur cartel que j'ai eu l'amabilité de vous traduire enfin pas moi mais Google Translate car je serais bien incapable de commenter le moindre petit tableau, comme je l'ai fait ci-dessus avec Van Gogh.

J'ai opté pour ceux que l'on voit moins souvent i.e. ceux de la deuxième liste. 

On y va.

Dod Procter Londres 1890-1972 Redruth, Cornouailles
Fille endormie
vers 1927
Huile sur toile
Procter a vécu et travaillé à Newlyn, en Cornouailles, où elle avait été formée à l'école dirigée par Stanhope et Elizabeth Forbes. Au cours des années 1920, elle est devenue célèbre pour ses peintures de jeunes femmes introspectives, exécutées dans un style froid et détaché. Le modèle de ce tableau était Cissie Barnes, la fille d'un pêcheur local. L'utilisation sobre de la couleur par Procter renforce l'apparence sculpturale de la jeune fille endormie.
Présenté par Sir Alfred Chester Beatty, 1954, NGI.1294

Beau commentaire que celui-ci. Dod est connue pour son tableau Morning (clic). Ces deux tableaux me rappellent les tonalités de Hopper, l'effet sculpture de Botero.

Les salles sont spacieuses permettant un recul agréable pour apprécier les grandes toiles. 

Peter Doig Édimbourg, 1959
Cabine en béton côté ouest
1993
Huile sur toile
Dans les années 1990, Peter Doig a réalisé une série de peintures à grande échelle inspirées par l'Unité d'Habitation de Briey-en-Forêt, dans le nord-est de la France. Ce complexe d'habitation moderniste, conçu par l'architecte pionnier Le Corbusier en 1956, avait été abandonné et laissé à l'abandon pendant de nombreuses années. Les scènes évocatrices de Doig explorent les idées sur les interventions humaines dans la nature, la nostalgie et la mémoire. Ici, il donne un aperçu des appartements vides à travers les arbres environnants, attirant le spectateur de l'obscurité vers la lumière. Lorsque Doig a été nominé pour le prix Turner en 1994, il a inclus cette image dans son exposition à la Tate Gallery.
Prêt d'une collection privée ; L.2018.7

William Leech Dublin 1881-1968 Guildford
L'ombrelle
vers 1913
Huile sur toile
Elizabeth Saurine, la première femme de l'artiste, a servi de modèle pour ce tableau. À l'arrière-plan, on peut voir les hautes tiges de lys. Le décor pourrait être le jardin de Concarneau, où Leech a peint son célèbre tableau Un jardin de couvent, Bretagne (vers 1913 ; National Gallery of Ireland). L'ombrelle filtre le soleil et projette des ombres vertes sur le visage de la femme. Les couleurs vives et les taches de lumière sont caractéristiques du style postimpressionniste de Leech.
Présenté par Mme M. Botterell, 1952, NGI.1246


Lucian Freud Berlin 1922-2011 Londres
Souvenirs de Londres
1940
Huile sur toile
La famille de Lucian Freud a quitté Berlin pour Londres en 1933 pour échapper à la montée du nazisme. Il a peint cette œuvre de jeunesse lors d'un séjour de deux mois à Snowdonia alors qu'il était à la fin de son adolescence. La figure est basée sur son souvenir d'un vendeur de journaux qui se tenait près de sa maison familiale à St. John's Wood. En 1938, Freud avait visité la grande exposition Twentieth Century German Art à Londres. Le décor ombragé, la perspective exagérée et l'intensité psychologique de cette scène ont sans aucun doute été influencés par son intérêt pour l'expressionnisme allemand. Peint au début de la Seconde Guerre mondiale, Freud évoque un air d'aliénation et d'appréhension à la fois personnel et omniprésent.
Prêt d'une collection privée.

Mary Swanzy Dublin 1882-1978 Londres
Motifs de toits, Tchécoslovaquie
vers 1920-1922
Huile sur toile
Après la Première Guerre mondiale, Swanzy se rendit en Tchécoslovaquie et en Yougoslavie où sa sœur participait à des opérations de secours. Durant cette période, elle réalisa des croquis et des peintures de paysages et de la vie villageoise. Dans cette image, Swanzy explore les motifs créés par les toits aux couleurs vives depuis un point de vue élevé. Les lignes courbes des bâtiments transmettent un sens du rythme et du mouvement, qui se rapporte à l'intérêt de longue date de l'artiste pour le futurisme et le vorticisme. En limitant sa palette au rouge, au vert et au blanc, Swanzy met l'accent sur les formes abstraites et les motifs répétés.
Acheté en 1999, NGI.4663


Jack B. Yeats
Londres 1871-1957 Dublin
Au-dessus de la foire
1946
Huile sur toile
Les foires étaient une source régulière d'inspiration pour Yeats. Pour ses premières images de foires irlandaises, il semble s'être largement inspiré de ses souvenirs de voyage dans le nord de Mayo avec son ami J.M. Synge. Le titre de ce tableau peut être compris comme une référence littérale au point d'observation surélevé d'où la scène est vue, mais il est tout aussi probable qu'il fasse référence métaphoriquement au jeune garçon aux cheveux dorés sur le cheval à gauche du centre, qui a été élevé au-dessus et libéré de la foule en contrebas.
Présenté par le révérend Senan, au nom d'un groupe de particuliers, 1947, NGI.1147

Voilà, j'espère que vos yeux se sont régalés autant que les miens !   Si le cœur vous en dit, il y a ce "Virtual Tour" qui met en valeur la Galerie et donne une très belle idée de sa collection. clic ICI.


  A + !

mercredi 8 janvier 2025

LES SOLDES AU CROISIC.

Et oui ! Les soldes ! C'était lors de notre virée au bout du bout de la Loire et c'était à peine arrivés au Croisic que mon épouse est attirée par les affiches sur les vitrines :  20% pastille bleue 50% pastille orange 70 violette !!! whaouh !!! (oui j'exagère beaucoup). 

Nous avions visité Guérande et en revenant sur St Nazaire, désireux de profiter au max de ce jour lumineux (et unique pour ces trois jours passés là-bas) nous nous sommes arrêté au Croizic. 

Le port du Croisic est très accueillant, en sont pour preuves les nombreux touristes, badauds, et autres oisifs qui s'y promènent.



Tandis que ma moitié était manifestement plus séduite par les devantures colorées et annonciatrices de bonnes affaires des boutiques, j'hésitais à déambuler le long du quai du Port Ciguet. 




Bien m'en a pris à déambuler le long du quai si gai du port: outre les jolis bateaux qui s'accouplent publiquement tout le long, on a installé des panneaux d'œuvres de peintres locaux.

"Le Croisic, aux couleurs des peintres"

 Et me voilà parti, fuyant l'inévitable essayage du pull marin rayé bleu-blanc à -70% pour une quête à ma mesure: la découverte des peintres du coin.






Je vous en propose quatre dont j'ai relevé les textes également.




Chalutiers du Bono,  Émile Gautier (1920-2013) 
1954, huile sur toile, collection particulière.

Originaire de Saint-Nazaire, Émile Gautier est un peintre autodidacte qui enseigna le dessin pendant des décennies dans cette ville. Élève des peintres Georges Éveillard et Émile Simon, il contribua au développement artistique régional en animant un groupe qui organisait chaque année des expositions à Saint-Nazaire.
Il forma de nombreux artistes comme Gustave Tiffoche ou Simone Sauzereau et se lia d'amitié avec de nombreux autres comme Chapleau ou Jean Fréour.
Après la Seconde Guerre Mondiale, l'artiste passe ses étés au Croisic où sa belle-famille a une maison. Habillé d'une vareuse rouge et coiffé d'un béret, il parcourt le port et la presqu'île qu'il peint sous tous les aspects, même s'il reste le peintre de la Brière. Ses œuvres révèlent principalement son talent de dessinateur qu'il lie à une touche colorée très douce.



Bateaux dans la Petite Chambre par André Béronneau (1896-1973)
1927, huile sur panneau, collection Ville du Croisic.

Actif durant la première moitié du XX° siècle, André Béronneau est un peintre paysagiste né à Bordeaux.
Il est connu pour ses paysages de Bretagne, de Vendée (Concarneau, Douarnenez, Les Sables d'Olonne, Le Croisic...) et de Provence, surtout la Côte d'Azur (Collioure, Martigues, Sainte-Maxime, Saint-Tropez...). Il a exposé son travail au Salon des Indépendants à Paris entre 1926 et 1935.
Cette vue du port vers la place de la Croix de Ville témoigne de la pratique courante chez l'artiste de la peinture au couteau qui donne beaucoup de relief au sujet peint.



Pêcheurs sur le quai d'Aiguillon par Georges Lhermitte (1882-1967)
3 quart du XX siècle, huile sur panneau, collection Ville du Croisic.

Georges Lhermitte est peintre de la Marine, il fréquente régulièrement Le Croisic dans les années 1950-1960 où sa famille possède toujours une maison.
L'artiste est naturellement intéressé par l'activité du port, très dynamique à l'époque avec la pêche à la sardine. Il peint de nombreuses scènes pittoresques comme ces marins-pêcheurs apportant les caisses de poisson sur une charrette vers la criée. L'automobile n'a pas encore envahi les quais et les touristes peuvent déambuler tranquillement au milieu des marins à la tâche.



Bateaux accouplés au Croisic
par Robert Micheau-Vernez (1907-1989)
octobre 1982, huile sur toile, collection particulière.

Né à Brest en octobre 1907, Robert Micheau-Vernez, en parallèle à ses études, suit les cours du soir de l'École des Beaux-Arts de la ville, sous la direction des peintres Paul Léonard et Charles Lautrou. Il poursuit à l'École régionale des Beaux-Arts de Nantes sous la férule d'Émile Simon et intègre de 1928 à 1930 l'École supérieure des Beaux-Arts de Paris dans l'atelier du maître Lucien Simon. Il travaille aussi à l'Académie de la Grande Chaumière et fréquente les ateliers d'art sacré de Maurice Denis. Artiste peintre avant tout, son œuvre est néanmoins multiple, dessins, illustrations, affiches, vitraux, faïences pour Henriot Quimper...
Dès 1961, Micheau-Vernez vient peindre au Croisic durant deux mois et ce durant une dizaine d'années. Il s'y installe définitivement en 1980. De son appartement du quai du Port Ciguet, il peint et observe l'activité du port. Ses toiles sont souvent des compositions qui reprennent différents léments du port sans les situer précisément. Sa touche très colorée reste ne des caractéristiques majeures de l'ensemble de son œuvre. Il décède u Croisic en juin 1989.


A + !

mercredi 31 janvier 2024

DES LUMIERES DANS LES CARRIERES.

 Un village très touristique au point de n'être guère plus habité vraiment - je dirais même que l'hiver  y a dégun - situé dans les Alpilles - donc en hiver ça caille - au flanc des ruines d'un château, s'appelle les Baux de Provence. C'est toujours un plaisir d'aller le visiter pour ses petites échoppes artisanales - boire un vin chaud - et puis aussi pour les Carrières Des Lumières, surtout si les artistes exposés sont à notre goût. 

Ces carrières, où on extrayait une belle pierre blanche, d'abord utilisée pour la construction du 
Château et de la Cité des Baux puis pour servir aux constructions alentours pour la région, puis ces vastes carrières ont été reconverties en spectacle multimédia. 


On y projette des œuvres de peintres (le plus souvent mais pas que) sur  les façades intérieures, hautes de 14 mètres, plongeant ainsi le visiteur dans une exposition  totalement immersive.

Cet été, il y avait les maîtres hollandais: de Vermeer à Van Gogh et également Mondrian. Voici.






Mondrian: 

Mondrian, dans mon classement à moi, c'est un peu comme Klein: il a eu une révélation, on s'en est réjouit, et il s'est dit tiens ça va me faire du blé ce truc, je vais t'en faire une série. Pas bête. Mais je suis un peu méchant, il n'a pas fait que ça mais c'est toujours les même choses qu'on nous donne à voir. C'est certain ça rend vachement bien ici, bien que Mondrian pour moi, c'est comme la tarte tropézienne:  une fois y avoir gouté, on s'en lasse assez vite, alors il faut y revenir mais pas trop vite.



Et puis heureusement il y avait les peintres hollandais ! un vrai festival.

En commençant par Vermeer

"La Ruelle"

"L'Art de la peinture", La Dentellière et la servante dans "Femme écrivant une lettre et sa servante"

"La Jeune Fille au verre de vin" et "La Laitière"

"La Laitière" et "Le Verre De Vin"

"La Jeune Fille à la perle"

Et un petit détour chez Bartholomeus van Bassen :
"Intérieur d’une église"


En passant par Rembrandt
"Le Retour du fils prodigue" et "Bethsabée tenant la lettre du roi David"

Des portraits

En passant aussi par Hendrik Cornelisz Vroom et ses marines.
Au centre : "Arrivée d’un trois-mâts hollandais au château de Kronborg, Helsingør"



Et je terminerais  par Van Gogh

"Les Terrasses des cafés le soir"

"La nuit étoilée"

"La nuit étoilé"

"Autoportrait"

"Les tournesols"

"La nuit étoilée"
Sur cette dernière photo on se rend mieux compte de l'ampleur des projections où nous sommes tous immergés, les salles étant assez vastes pour ne pas se gêner. 

Voilà la nuit est tombée ;)    
A + !


mercredi 3 janvier 2024

MAX ERNST, INSONDABLE ENIGME.

J'espère que les fêtes furent bonnes et joyeuses ! Début d'une nouvelle année ! je vous la souhaite heureuse et en pleine santé ! 

Max Ernst ne m'était connu que de nom et bien sûr que quelques tableaux très partagés en public, pas plus. 

J'ai donc été très agréablement surpris par cette expo bien construite qui nous a montré l'année dermière en un peu plus d'une centaine d'œuvres les différentes techniques qu'à utilisé l'artiste. 

Surpris aussi, je ne vous le cache pas, par l'hermétisme des figures encadrés qui, sans le titre explicatif adjacent au tableau, me laisserait dubitatif à m'en gratter le sommet du crane - à chacun son tic - comme c' est souvent le cas devant un travail dit de l'art moderne, (ici je pense que c'est du surréalisme où bien du post-dadaïsme mais excusez-moi je suis nul en beaucoup de choses et particulièrement de ça, en fait "ça" ne m'intéresse guère) si vous vouliez un cours de l'histoire de l'art, c'est foutu, vous pouvez cliquer en haut en droite... bref, je digresse. Pour en revenir aux œuvres, de fait, à chaque tableau, l'explication du thème et la beauté de la technique nous permettent l'acceptation d'un monde où il nous convie d'entrer. Comme le dit Paul Éluard : "Max Ernst nous fait entrer dans un monde où nous consentons à tout, où rien n'est incompréhensible".

Et surpris enfin par la trajectoire de l'homme à travers l'Histoire avec un grand H qui ne lui a pas fait de cadeau bien que je qualifierais de chanceuse son histoire à lui. J'en reparlerais mais voyez quelques éléments de l'expo avec ce premier qui parait facile à aborder mais en fait, non.
 
AUX 100 000 COLOMBES
1925
Huile sur toile

Indication sur le panneau adjacent: "Cette œuvre est réalisée à partir de la technique du grattage qui consiste à retirer une partie des couches supérieures de la peinture à l'huile avec divers objets comme des spatules et couteaux afin d'obtenir différentes teintes et textures. La volée d'oiseaux semble être partagée entre une volonté d'union collective et une tentative désespérée de libération. Cette représentation métaphorique de la communauté exprime la dichotomie de la pensée humaine, partagée entre  le besoin de lien émotionnel et une aspiration profonde à la liberté.

Cette technique est également utilisée dans la série des fleurs-coquillages, élaborée par l'artiste entre 1927 et 1929."

fleur-coquillage

 *****

OEDIPUS REX
1922
Huile sur toile qui me plait assez.

 Indication sur le panneau adjacent:  Achetée par Paul Eluard et exposée en 1923 au Salon des indépendants à Paris, cette huile sur toile spectaculaire est réalisée à partir de collages xylographiques. dans ce chef-d’œuvre, l'artiste juxtapose de manière énigmatique différentes réalités en faisant notamment allusion au mythe d’œdipe, héros grec qui s'est involontairement rendu coupable d'inceste et de parricide. L'artiste représente le couple, métamorphosé en animaux prisonniers d'une autorité supérieure. Les dimensions de l'espace représenté sont insaisissables, les doigts sont surdimensionnés. la main percée et la noix fendue évoquent le thème récurent chez Ernst de l'aveuglement, d'une élimination brutale de la réalité visible au profit de la "vision intérieure"

*****

 

LE BAISER
1927
Huile sur toile: une beauté, on crie wouahou devant le tableau. Bien sûr là sur votre écran ça ne rend pas : il faut le voir VRAIMENT.

Indication sur le panneau adjacent: Pour réaliser ce tableau, Max Ernst lâche sur une toile couchée au sol une ficelle trempée dans la peinture afin d'obtenir des lignes fluides et continues qu'il retravaille ensuite. dans cette œuvre, le groupement pyramidal des figures rappelle la composition de la Sainte Anne de Léonard de Vinci que l'artiste admirait énormément. En 1910, cette dernière avait fait l'objet d'une fameuse interprétation par Sigmund Freud, qui y apercevait les contours d'un vautour, en lien avec une légende entourant l'enfance du peintre italien. L'agneau de Léonard a disparu ici, remplacé précisément par la figure d'un oiseau de proie.

Et voici Saint Anne de Léonard de Vinci:


(Et c'est vrai que là, même à l'écran du pc, l’œuvre est extraordinaire, inégalable Léonard)

*****

AUX ANTIPODES DU PAYSAGE
1936
Huile sur toile


 Indication sur le panneau adjacent:
Grâce à la technique surréaliste de la décalcomanie, qu'il adapte à la peinture à l'huile sur toile, Ernst fait naître des paysages imaginaires remplis de végétation luxuriante et peuplées de figures chimériques. Cette œuvre dénote l'atmosphère cosmique d'un paysage, à la fois montagneux et marin, qui nous transporte dans une dimension apparemment éloignée de tout contexte historique. Les créatures fantastiques qui émergent au premier plan semblent issues d' un imaginaire rêvé, éloigné de toute réalité. cette peinture matérialise l'énigme des messages et les obstacles dressés par l'artiste contre toute interprétation. réalisée en 1936, elle s'inscrit dans une série de tableaux qui semblent annoncer les catastrophes auxquelles l'Europe sera confrontée à l'âge des dictatures.

Je note que la moitié de cette explication avec ses "semblent" et "éloigné de" répétés, et puis "apparemment" est loin de me convaincre sur une conclusion annonciatrice de catastrophes, sans le commentaire avisé de l'auteur. J'y verrais plutôt un récit mythologique que chacun peut s'approprier et se le raconter à sa propre sauce, sa propre façon. A moins bien sûr que Ernst ne l'ait précisé. Personnellement,j'y vois une scène du "Rivage des Syrtes" (Julien Gracq) dont je vous ai parlé il y a peu, non parce qu'il y a une ressemblance frappante du paysage et des reliefs mais plutôt de l'atmosphére sombre et mystérieuse aussi de la poésie qui en émane. Cette scène se situe quand Vanessa fait découvrir le rocher de Vezzano à Aldo. Je n'y tiens plus de citer Gracq. Permettez-moi, svp.
"...D’un seul coup, comme une eau lentement saturée, le ciel de jour avait viré au ciel lunaire ; l’horizon devenait une muraille laiteuse et opaque qui tournait au violet au-dessus de la mer encore faiblement miroitante. Traversé d’un pressentiment brusque, je reportai alors mes yeux vers le singulier nuage. Et, tout à coup, je vis.
Une montagne sortait de la mer, maintenant distinctement visible sur le fond assombri du ciel. Un cône blanc et neigeux, flottant comme un lever de lune au-dessus d’un léger voile mauve qui le décollait de l’horizon, pareil, dans son isolement et sa pureté de neige, et dans le jaillissement de sa symétrie parfaite, à ces phares diamantés qui se lèvent au seuil des mers glaciales. Son lever d’astre sur l’horizon ne parlait pas de la terre, mais plutôt d’un soleil de minuit, de la révolution d’une orbite calme qui l’eût ramené à l’heure dite des profondeurs lavées à l’affleurement fatidique de la mer. Il était là. Sa lumière froide rayonnait comme une source de silence, comme une virginité déserte et étoilée.— C’est le Tängri, dit Vanessa..."


*****

ÉPIPHANIE
1940
Huile sur toile

Indication sur le panneau adjacent: Cette fascinante peinture a été réalisée en 1940, période trouble durant la quelle Max Ernst est incarcéré comme citoyen du Reich Allemand, au Camp de Loriol puis au camps des Milles près d'Aix-en-Provence. Le titre de l’œuvre ferait référence à la date d'achèvement du tableau, le 6 janvier, jour de l'Épiphanie. La scène évoque une forêt rocailleuse peuplée de racines et branchages, sous la pâle clarté d'une lune les observateurs pourrait être Nick Bottom du Songe d'une d'été de Shakespeare. La technique de la décalcomanie est ici portée à son apogée. La matière picturale est retravaillé jusqu'à en livrer un chef-d’œuvre à la frontière entre illusion et réalité.

*****

En ces époques tumultueuses, de guerres atroces et de génocides, comme beaucoup d'artiste de ces temps-là, Max Ernst a eu la vie mouvementée. Comme vous pouvez le voir si le courage vous mène jusque là,, j'ai repris quelques points clefs de sa vie ci-dessous. Sinon un point important est le changement notable d'atmosphère que subissent ses tableaux: alors qu'avant 1940, nous sommes devant des thèmes pessimistes, des paysages inquiétants, sombres, après le retour de l'artiste en France, les thèmes deviennent chaleureux, paisibles et même gais. Voyez:

LA  FETE A SEILLANS
1964
Huile sur toile 
Indication sur le panneau adjacent:Après un vagabondage incessant, Max Ernst trouve enfin à Seillans un lieu de sérénité et de réflexion. Avec l'âge, il intensifie sa production d’œuvres de grand format très colorées. Ici, il représente une fête champêtre à Seillans. Les couleurs bleu, blanc et rouge pourraient faire référence au drapeau français tandis que le vert évoquerait les éléments naturels qui envahissent chaotiquement toute la surface de la toile, et semblant même s'étendre au-delà, ont un aspect moléculaire, faisant allusion à la vie microscopique et intracellulaire qui fascine l'artiste. Tout s'entrecroise et s'interpénètre dans cette joie véritablement cosmique.
*****

LE JARDIN DE LA FRANCE
1962
Huile sur toile

Indication sur le panneau adjacent:  En 1953, Max Ernst et sa femme Dorothéa Tannning quittent définitivement les États-Unis pour la France. Ils partagent alors leur vie entre Paris et Huismes, dans la vallée de la Loire. Cette œuvre marquante, réalisée en 1962, célèbre cette période tourangelle sur les rives du fleuve. Ici, des fragments de cartes identifient la Loire et l'Indre qui enveloppent, en deux bras tout en rondeurs, le corps nu d'une femme. La grande sensualité de cette mystérieuse figure est exacerbée par la mise en valeur de ses attributs féminins, évocateurs de fertilité. La femme est ici associée à la nature nourricière et notamment à la Touraine, région connue pour la fertilité de son territoire.

*****

UN TISSU DE MENSONGES
1959
Huile sur toile
 
*****
 
UNE AUTRE BELLE MATINÉE
1957
Huile sur toile 

Tiré d'un panneau dans le musée:
...Le thème de l'oiseau est récurent chez Max Ernst. Enfant, il avait comme animal de compagnie un perroquet, du nom de Horneborn, qui mourrut la nuit même où sa petite soeur Loni vint au monde. Cet épisode marque profondément l'artiste en devenir, qui dés lors se crée un alter-égo du nom de Loplop, créature hybride mi oiseau, mi-humaine. Dans l'imaginationde l'artiste subsiste une représentation irrationnelle où se confondent oiseaux et hommes. Fantômes familier et personnel de Max Ernst, Loplop persiste dans ses oeuvres et le suit partout.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 *****
 
 Sa vie en "très raccourci" !
1909 Fils du peintre Philippe Ernst, il commence à étudier la philosophie à l'université de Bonn, mais il abandonne rapidement les cours pour se consacrer à l'art.
1914 Rencontre Hans Arp, Max Ernst s'intéresse au futur mouvement Dada, mais éclate la Première Guerre mondiale, et il est mobilisé.
1918 il épouse à Cologne la doctorante en histoire de l’art Luise Straus dont il aura un fils Jimmy. Relations tumultueuses, le couple se sépare en 1922. Luise Strauss poursuivra sa carrière de journaliste avant de décéder dans un camp de concentration nazi vingt ans plus tard.
1919 - 1926 Expos dans la mouvance Dada, 1923 Les Eluard et Max Ernst s’installent dans une maison à Eaubonne (région parisienne), où Max Ernst s’essaie à la technique de la fresque.1924  André Breton publie le Manifeste du surréalisme. 1925 première exposition d’art surréaliste présentée à Paris.
1926 Expos de peintures exécutées selon la technique du grattage.
1927 - 1937 Épouse Marie-Berthe Aurenche, Expo à New York, s'attaque à la sculpture.
1938 - 1940 Divorce de Marie-Berthe Aurenche, emménage à St-Martin-d'Ardèche avec Leonora Carrington. Découvre la décalcomanie. Puis emprisonné au camps des Milles comme « étranger ennemi ».
 
1941 il quitte Leonora Carrington et St-Martin-d'Ardèche pour Peggy Guggenheim à New York  qu’il épousera cette année-là.
1942 - 1943 Il explore la technique de l’oscillation, dont Jackson Pollock s’était servi comme déclencheur de ses drippings. Il rompt avec Peggy Guggenheim.
1946  Max Ernst et Dorothea Tanning se marient et déménagent en Arizona.
1948 nationalité américaine.
1951  il est nommé membre du Collège de pataphysique.

1953 Retour en France à Seillans.
1954 Il reçoit le Grand prix de peinture à la 17e Biennale de Venise.
1958 nationalité française.
1961 Rétrospective de l’œuvre de l’artiste au Museum of Modern Art.
1970 L’ensemble des écrits de Max Ernst sur près de cinq décennies est publié chez Gallimard sous le titre Écritures.
1975 Le Grand Palais inaugure à Paris la dernière grande rétrospective organisée de son vivant. Après un accident vasculaire cérébral, l’artiste reste alité à Paris durant onze mois.
1976 Max Ernst meurt à Paris.

à + !