Pour clore notre séjour à Paris nous avions décidé d'aller seuls - sans les petits-enfants - à l'Hôtel de la Marine. Une visite pendant les Jeux Olympiques c'est génial : les très nombreux fans des sportifs ne sont pas accros aux musées et autres lieux de Culture et d'Histoire ;))
"Et ben du coup", comme aurait pu dire mon petit-fils, (oui, j'étais encore tout imprégné des papotages de celui-ci) on a pu voir ce bâtiment - pour la Marine on dit un bâtiment non ? - dans le plus grand calme, nous étions presque seuls !
La visite est très bien organisée et le guide audio super bien élaboré avec ces casques spéciaux qui n'écrasent pas les oreilles et dont le son est "spatial", il nous semble que c'est une personne qui nous parle à coté; pour preuve quand elle parlait à mon oreille gauche j'avais tendance à tourner la tête, mon petit cerveau pensant qu'elle était physiquement là ! Il est bête ce Philfff...
Voici quelques mots de son histoire résumée sur France Inter en 2021 (lien):
"L’Hôtel de la Marine n’avait quasiment jamais ouvert ses portes au public. Construit en 1758, pour accompagner une statue du roi Louis XV, auquel la Ville de Paris souhaitait rendre hommage, l’édifice a abrité à partir de 1765, le Garde-Meuble de la Couronne. Cette institution avait pour objet de conserver et d’entretenir les meubles, tapisseries, objets d’art mais aussi les bijoux de la monarchie. En 1776, le peuple est autorisé à venir admirer ces collections royales, tous les mardis entre avril et novembre. Après la Révolution, la Marine s’y installe et y reste pendant 226 ans. Seule une ouverture lors des journées du patrimoine en 2016 a permis au public, le temps d’un week-end, de découvrir les lieux. Aujourd'hui, c’est un musée vivant, exploité par le Centre des monuments nationaux, figé dans le temps des XVIIIe et XIXe siècles, que peut visiter le public..."
Voici les photos:
L’état-major de la Marine, en 2015, débarqua donc laissant ce beau bâtiment à quai, immense
quai qu'est
la place de la Concorde.
Ces deux photos ci-dessus ont été piquées sur le site de l'hôtel de la Marine pour cause Jeux olympiques dont les installations obstruaient tout panorama. (Merci hotel-de-la-marine.paris). Voyez plutôt mon panorama à moi :
Bref passons. Entrons.
Le mobilier royal est superbe.
La restauration de l'hôtel est particulièrement exacte à l'original grâce à la Marine. Les marins lorsqu'ils se sont installés n'ont rien dégradé. 900 pages d'inventaires conservées, chaque peintures, tentures, boiseries protégées.
"Les 900 pages d’inventaire, dans lesquelles chaque détail du bâtiment est répertorié, chaque changement, avec un descriptif complet et détaillé, pièce par pièce, meuble par meuble, ont permis de restituer un état très voisin de celui qu’ont connu les intendants du Garde-Meuble. Ainsi, dans le cabinet doré, grâce à l’existence des inventaires, le secrétaire à abattant et la table des muses, commandés par Fontanieu au célèbre ébéniste Jean-Henri Riesener en 1771 et séparés en 1830, ont retrouvé leur emplacement d’origine. Dans la chambre de Madame Thierry de Ville-d’Avray, c’est la brocatelle verte voulue par Fontanieu qui a été retissée."
Beaucoup d'ameublement sont restés sur place, pour le reste, beaucoup de meubles ont été retrouvés grâce à la collaboration avec le Mobilier national, musée du Louvre, musée des Arts décoratifs, musée national du château de Versailles, l'Elysée, etc. Et c'est ainsi que l'on a devant nous une parfaite et presque authentique reconstitution de l'hôtel du XVIIIe siècle !
Ici ont résidé Pierre-Élisabeth de Fontanieu, premier intendant du garde-meuble de la Couronne, puis Marc-Antoine Thierry de Ville d'Avray, son successeur, suivis du ministère des Forces navales en 1789.
Dans la salle à manger, le couvert est dressé, on peut voir sur la table des restes d'agapes, des huitres fort belles, etc.
Un grand buffet construit sur mesure est équipé d'un monte-charge pour amener les plats plus rapidement de l'étage en dessous.
Les salons et bureaux sont nombreux et tous rivalisent de raffinement.
C'est dans le Salon diplomatique que l'on voit le bureau sur lequel Victor Schoelcher signa le décret de l'abolition de l'esclavage.
Les chambres également sont très belles
notamment celle de Madame de Ville-d’Avray.
"une brocatelle verte, voulue par Fontanieu, a été retissée. Le tapis est une commande de Louis XIV pour la galerie du bord de l’eau, au Louvre, tandis que le lit à la polonaise, avec sa broderie de Beauvais d’origine, date du XVIIIe siècle" (lien).
Petite piéce coquine : le cabinet des glaces. "Pierre-Elisabeth de Fontanieu était connu pour son goût pour les femmes d’opéra aux mœurs légères. Il a fait réaliser ce cabinet intimiste qui révèle son attrait pour le libertinage. "(lien)
Et les salons d'apparat sont richement ornés.
Voilà pour la visite, ce ne sont que quelques photos de quelques pièces, l'Hôtel est assez grand, bien que l'on ne visite pas tout !
Les filles sont partis se pâmer devant des vêtements à la Galerie Dior comme aucuns des garçons n'a d'attirance pour la haute couture et même la couture en général, je suis rarement satisfait de mes reprises à mes chaussettes, Isa s'en sort mieux que moi, c'est ça l'héritage de la domination masculine qui a tant œuvré pendant des millénaires pour que tous ces menus doigts féminins puissent se satisfaire d'un peu de fil et d'une aiguille ! Ah quelle dextérité elles ont acquise ! Ah comme on est forts nous les hommes ! Bon bref. Nous les garçons, pour faire consensus, avons choisi sur la même ligne de métro d'aller plus loin au Palais de Tokyo.
Parce qu'il pleuvait, je pense, le Palais était plein car les expos n'étaient pas très attractives. L'édito de la brochure commence par ces mots:
Saison divers (Ah ah ah ! elle est bonne celle-là ! ah ah ah)
La diversité est au cœur de cette saison d'automne du Palais de Tokyo. La diversité des formes artistiques (de la performance au film, à la peinture, au dessin, aux installations ou encore au graffiti) tout autant que celle des identités : identités que l'on s'invente, que l'on doit parfois construire avec ou contre d'autres...
Que j'ai traduis par "n'ayant pas une expo conséquente d'un artiste important à vous proposer, on vous a concocté une ripopée d’œuvres diverses mais quand même avec un point commun: leur diversité."
Bon ça c'est pour la critique et je passerai sur les installations dont la signification se situe bien au-dessus de ce que mon petit esprit peut concevoir dans l'art moderne/post moderne. Sinon j'y ai vu de bien belles choses, d'abord, l'expo de J.Lena Knel & A.Hans Scheirl : DOPPELGÄNGER.
Doppelgänger est une créature présente dans les mythes nordiques et germaniques, le doppelgänger tient son nom de l’allemand doppelgänger qui signifie sosie. En effet, il se présente toujours comme une copie, un double de quelqu’un, ou sa version alternative.
Ce que dit le programme: "...leur projet prend la forme de scènes ouvertes, îlots de lumières qui invitent le public à explorer des "espaces de désirs" selon leurs mots, inspirés par les codes de l'évènemetiel. Les références s'enchevêtrent pour créer des œuvres et des êtres protéiformes, dont le transmorphisme repousse les limites de bon goût et des représentations de l'identité-les artistes s'appuyant sur le préfixe "trans" : transmédium, transidentité, transmatérialité, transcontexte-tandis qu'un dialogue à la fois ludique et inquiétant s'ouvre entre la création contemporaine et l'histoire de l'art et du design: du maniérisme au surréalisme, du romantisme noir au biomorphisme, et du grotesque au postmodernisme, en s'ouvrant sur un avenir d'existence cybernétique."
Captivantes ces scènes ouvertes où, curieux que nous sommes, n'hésitons pas à "faire le tour" pour bien capter l'ambiance "romantique" (je ne trouve pas le terme exact) et surréaliste.
Cliquez sur l'image pour les détails
Sur le panneau:
"Un paravent est généralement un élément décoratif destiné à protéger en cachant. Ici, réalisé en miroirs multicolores et occupant toute la largeur de la salle, il symbolise l'exposition Doppelganger ! : projection de soi dans l'autre, jeu sur le dédoublement, les faux-semblants, la mise en scène et la transformation de soi. C'est également la toile de fond d'une série de sculptures de Jakob Lena Knebl, présentées sur des tables basses et intitulées Arpapapa. Ce titre onomatopéique, mot-valise humoristique, représente la fusion de deux symboles : les sculptures rondes, lisses et sensuelles de l'artiste Jean Arp, cofondateur du mouvement Dada au début du 20° siècle, et la figure de Barbapapa, personnage pour enfants créé par Annette Tison et Talus Taylor dans les années 1970, ayant la capacité de prendre n'importe quelle forme. Mais ces sculptures, réalisées en impression 3D et présentant un aspect laqué séduisant, sont aussi le reflet d'une société post-industrielle obsédée par le progrès et la perfection technologique."
Intéressant, très intéressant.
Autre artiste qui m'a tapé dans l’œil:RAKAJOOavec cette expo CEINTURE NWOAR
nwar : profondément sombre, sale contraction de noir, war (guerre, en anglais), zwaar (lourd en néerlandais)
Rakajoo est né en 1986, en 2019 il intègre l'école Kourtrajmé dans la section Arts et Images créée par l'artiste JR. En 2020, il présente une trentaine de peinture et autant de violences policières dans l'expo collective "Jusqu'ici tout va bien" déjà au Palais de Tokyo. Depuis il poursuit la réalisation de la série d'animation Kaname, en tant qu'auteur-réalisateur. Il publie en janvier 2024 la bande dessinée "Entre les cordes" et en parallèle il mène une carrière de boxeur olympique...
"Au Palais de Tokyo, pour sa première exposition personnelle institutionnelle, Rakajoo explore différentes temporalités et géographies affectives. Il étire leurs limites et modifie les focales pour ouvrir de nouvelles perspectives. Composant son espace d’exposition en suivant les mouvements du corps dans un ring de boxe, le public se déplace en longeant les murs, attentif à ce qui se joue devant, derrière au-dessus ou à nos pieds, dans la lumière ou la pénombre..."
"Rakajoo s'interroge sur l'absence de représentation de son histoire dans les lieux où l'art institutionnalise. Biberonné au Club Dorothé, à Pitou, l'enfant roi et à Dragon Ball Z. L'artiste observe les animés japonais, épuise la cinématographie de Wesley Snipes, saigne la discographie de Notorius B.I.G. et des années fastes du Hip Hop de 1990-2000 il découvre les peintres Kerry James Marshall, Jacob Lawrence et Jérôme Lagarrigue." etc etc. Je vous laisse lire la suite sur l'image.
Très touché par les tableaux de Rakajoo, j'y vois les perspectives appuyées des mangas, les couleurs vives que j'ai vu en Afrique mais pas seulement, aussi les couleurs des années 70-80, et puis touché par la "clarté ? clairvoyance ? "des scènes de la rue. Très belle promenade que cette expo !
Rakajoo signifie tête de mule, têtu en wolof, langue la plus répandue au Sénégal, pays d'origine de sa famille.
Artiste à suivre donc avec obstination et fidélité et à n'en pas douter ouaip, j'aimerais bien voir la suite.
Voilà. Sinon il y avait d'autre choses intéressante mais le billet serait trop long et on se lasse, on se lasse ...