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mercredi 4 décembre 2024

REGARDS (IMPROBABLES) - EXPOSITION EPHEMERE

 Cette virée en Bretagne m'a fait prendre un peu de retard dans mes billets (il faut bien trouver un coupable) et c'est maintenant que je termine celui-ci commencé il y a deux mois... De toute façon l'expo était éphémère tout comme l'année dernière et donc vous n'auriez pas pu y aller postmodo.






Cette année le thème était "Regards (improbables) sur l'action publique" mais commençons par le début.




Cette exposition éphémère est l'aboutissement d'un séminaire de trois jours à l'IMPGT ( Institut de Management Public et Gouvernance Territoriale) de l'Université d'Aix-Marseille:
Le Séminaire Improbable, 
Innovation pédagogique créé par Sylvain Bureau, Docteur de l'Ecole Polytechnique et professeur à l’ESCP Business School et Pierre Tectin, artiste plasticien, Directeur Artistique de l’Art Thinking Network.
Alors, alors bon c'est quoi l’Art Thinking ?  Art Thinking est une approche de résolution de problèmes, de créativité et d’innovation qui s’inspire des processus et des pratiques des arts. Il s'agit d'utiliser des méthodologies et des mentalités artistiques pour relever des défis, penser de manière créative et explorer de nouvelles perspectives en s'appuyant sur l'exploration des idées par l'intuition, l'expression et l'imagination. L'Art Thinking est donc une méthode, plus de détails sur le site clic! à METHOD et reclic! à WORKSHOP .

Les ateliers d'Art Thinking visent à stimuler la créativité et à offrir de nouvelles perspectives sur l'art contemporain. 

Et ce sont donc 70 étudiants en Master 2 qui ont participé à ce séminaire. Durant 3 jours, ils ont exploré l’improbable à la manière d’artistes pour exprimer différemment leur vision de l’action publique en réalisant "une œuvre d’art contemporain qui fait pleinement sens pour eux" et "l’œuvre doit être une « pensée visuelle » (Bertrand Lavier) qui interroge ce qui est." pour reprendre les mots de la présentation.


Chef Pesos



Et c'est une expo qui interpelle forcément. Sur une quinzaine d'œuvres d'art je vous en propose quatre dont la première ci-dessus. 

Vous avez peut-être entendu ce que certains rapports révèlent: des conditions de travail dangereuses que des employés d'Amazon subissent, avec des blessures fréquentes et même des décès signalés. (cadences de travail pénibles, temps de pause raccourci, salariés pour moitié intérimaires).
Alors, ce "Guide de satisfaction employé" dont on voit ci-dessus la couverture, et où il est noté en bas "Amazon recueille les avis de ses employés sur leur bien-être au travail", ne peut qu'interpeler:
- Couleur noire de la couverture très engageante !!
- Appellation " Guide" et non "Recueil", insinuant que l'employé se doit de suivre des directives et non de noter son avis.
- Détournement du logo Amazon, ce sourire est retourné présentant une moue et la flèche vers la gauche, retour en arrière vers un passé où les salariés subissaient ces même mauvaises conditions.

La seconde œuvre. Et si c’était Aix ? Du communautarisme au syncrétisme.


Cette seconde création interpelle et même déconcerte : Demander aux regardeurs, principalement des étudiants, d'imaginer la ville où ils étudient, Aix-en-Provence, partagée par une résolution de l'ONU, en quartiers ONU, Juif, Musulman et Chrétien. Et leur demander de modifier ces frontières en déplaçant ou ajoutant un caillou. La demande est dérangeante, après le premier malaise de voir sa ville subissant les même contraintes que Jérusalem, il faut, avec la pression psychologique d'être observé, agir.

La troisième œuvre. Le torche lois
Cette troisième œuvre que je vous montre entre plutôt dans la caricature, mais pas tant que cela à vrai dire.
Un homme public, ici un élu,
discourt éloquemment et
dans un geste impromptu
se mouche bruyamment
dans une page arrachée
dans la Constitution de la République Française.

L'étudiant répète le scénario en l'interrompant pour discuter avec le public. Un cartel explique le pourquoi : Désirs inconséquents des politiques de modifier la Constitution i.e. les déclarations du Ministre de l'Intérieur, Mr Retailleau voulant mettre fin à l'automaticité du droit du sol.

Quatrième création: Compétition mortelle, l'écartèlement de l'étudiant



Installation (radiateur, vernis, ficelle)
La loi NOME, adoptée en 2010, visait à introduire une concurrence plus équitable entre les fournisseurs d'énergie. Cependant, les directives européennes, qui imposent l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz à la concurrence, ont également conduit à une augmentation des prix. L'Observatoire de la Vie Étudiante (OVE) souligne dans ses rapports qu'en 2023, près de 30 % des étudiants déclaraient ne pas avoir suffisamment d'argent pour couvrir leurs besoins essentiels, en grande partie à cause de l'inflation et de la hausse des coûts, notamment ceux de l'énergie.
Cette œuvre dénonce l'impact de ces hausses sur les étudiants. Entre toutes ces lois, toutes ces obligations et tous ces fournisseurs : le radiateur, représentant les étudiants, se voit être écartelé par ces derniers et se vider de toute son âme.

Le coté artistique est ici très réussi.

Vous l'avez vu, l'Action Publique est au cœur de ces travaux; questionnement sur l'efficacité du Code du Travail, de la Charte des droits fondamentaux et même du droit social avec Amazon, à penser différemment d'une orientation vers le syncrétisme indispensable avec Aix, l'interpellation quant aux dangers de révisions inconséquentes de la Constitution, la prise de conscience de la précarité des étudiants avec ce pauvre radiateur. Et tout ça avec une touche esthétique incontestable : je me suis régalé. 

Petite réflexion: au départ je n'avais pas prévu de mettre des photos, collant ainsi au coté éphémère mais j'ai pu voir ces œuvres sur le FB de l'IMPGT, rien n'est plus ouvert et partagé que FB et donc pensé que la diffusion de quelques unes de ces photos ajoutées aux miennes dans ce billet n'entacherait pas l'éphémérité de l'évènement.

Allez ! une dernière et une excellente elle aussi, peut-être ma préférée pour sa sobriété.

Patience fatale

Ah mes p'tits vieux ! on est mal ! on est mal !

A + !

mercredi 14 août 2024

LE PAVILLON DE VENDÔME AUTOUR DE CHIHARU SHIOTA.

 Lorsque l'on visite l'expo de Chiharu Shiota, nous ne pouvons ne pas être charmés par le décor de l'écrin qu'offre le Pavillon de Vendôme.

Le pavillon semble juste posé sur l'herbe - étonnamment encore verte en cette saison - de son parc ponctué de topiaires.








Les atlantes assoiffés, l'un scrutant l'aurore, l'autre le crépuscule, et dont la blancheur de cette pierre blanche de Calissanne tranche avec la façade de pierre jaune des carrières de Bibémus,  paraissent impatients de  rafraichir leur front dans l'eau du bassin central agitée de poissons rouges.

 C'est en 1665 que Louis II de Vendôme, duc de Vendôme, duc de Mercœur, de Beaufort, de Penthièvre et d'Étampes, prince de Martigues et d'Anet, pair de France, petit-fils d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, et neveu du cardinal Mazarin, par son mariage avec Laure Mancini, nommé en 1652 Gouverneur de Provence, c'est en 1665, disais-je, que ce monsieur faisait construire un pavillon d'un étage en dehors de la ville d'Aix-en-Provence.

La légende nous dit (et pourquoi ne pas la croire ? )  que le Duc, fort amoureux de la Belle du Canet, Madame veuve Lucrèce de Forbin-Soliés, fit construire un pavillon pour "y abriter ses amours": ce Pavillon Vendôme donc.

Amoureux au point de vouloir épouser sa Belle, la Cour n'y étant pas encline (ne me demander pas pourquoi, je n'ai pas trouvé, si vous pouvez m'éclairer...) lui fit proposer un poste de Cardinal. 


La suite:
"On ne dit point ce que devint la Belle du Canet; mais la tradition nous a conservé que le cardinal duc de Vendôme, retiré dans le pavillon qu’il avait fait bâtir au faubourg des Cordeliers, et qu’on nomme aujourd’hui le Pavillon de la Molle, y faisait introduire de nuit, par une porte de derrière, des personnes déguisées, que les paysans du faubourg appelaient malicieusement las machouettos. C’est là qu’il mourut le mardi 6 août 1669, à peine âgé de cinquante-sept ans, ce qui fit dire alors aux paysans: las machouettos an tua lou duc."

Buste d'Henri IV, Marbre polychrome, XVIII ème.





A sa mort, on vend le pavillon à l’avocat général Gautier de la Molle qui ferme les ouvertures du rez-de-chaussée, achève la décoration intérieure, ajoute un étage à l'ensemble et le couvre d'une toiture provençale en tuiles romaines. Le pavillon prend alors le nom de Pavillon de La Molle.

Flore ou l'Allégorie de l'Abondance XVIIème siècle. Plafond peint commandité par Jean-Baptiste Gautier de La Molle, avocat général, second propriétaire du Pavillon de 1687 à 1696. Ce décor peint a été découvert en 1953 occulté par un faux plafond.






Bien plus tard, en 1906, Henri Dobbler achète ce pavillon avec le parc et fait restaurer l’ensemble. Il en fait don à la ville d’Aix en 1941, sous condition que l’ensemble reste un lieu de culture et d’art. Ce que le Pavillon de Vendôme est depuis.


























L'écrin est incontestablement admirablement propice pour présenter les œuvres d'artiste et notamment ici pour Chiharu.





A + !

Quelques liens consultés:

mercredi 7 août 2024

AU-DELA DE LA CONSCIENCE AU PAVILLON DE VENDÔME. CHIHARU SHIOTA.

Chiharu Shiota expose à Aix-en Provence dans trois différents endroits: 

"Au Musée des Tapisseries, les fils rouges constituent un tunnel que le visiteur est invité à traverser, pouvant être protecteur ou oppressant. Une expérience à éprouver pour une transformation tel un cocon ou une chrysalide."

"A la Chapelle de la Visitation, dans l'installation monumentale Collecting Feelings, l'artiste insère dans cette pluie de fils rouges des lettres de remerciements- ou de gratitude collectées à travers le monde... "

"Au Musée du Pavillon de Vendôme, les différents salons dévoilent le panel des créations de l'artiste traversant toutes les périodes. Photographies, dessins, installations, sculptures en fils ou en verre, toiles brodées sont présentés."

Les surveillances d'examens  des Master de l'université qui pimentaient mes journées de juin me laissaient une heure ou deux entre elles. Ce jour-là j'avais donc une heure à tuer mais je ne suis pas méchant, je l'ai fait délicieusement et c'est au Pavillon de Vendôme à Aix-En-Provence où j'ai choisi d'aller.

C'est beau, c'est rouge, ou c'est noir, c'est éphémère (nous dit-on, mais quelques œuvres datent un peu).

C'est du fil de laine rouge, rouge parce qu'associé au flux sanguin et aux connexions humaines. Fil noir, au ciel nocturne ou au cosmos.

 Au-delà de la conscience. 

"Au-delà de la conscience, car toutes les œuvres de cette exposition traitent de processus dont nous ne sommes généralement pas conscients dans notre vie quotidienne, comme les mémoires universelles, la connectivité de tout et de tous, l'influence culturelle ou les processus dans notre corps."
Chiharu Shiota.





Connected to the Universe
2024
Fils sur toile : Thread on canvas
Courtesy Galerie Templon




























Endless line
2024
Fils sur toile / Thread on canvas
Courtesy Galerie Templon

On ne voit pas bien sur la photo mais imaginez tout ce fil qui se croise et s'entrecroise symboliquement sans fin formant tout ce réseau. Un travail très minutieux qui me fait penser aux grandes villes vues d'avion la nuit. En plus moi j'aime bien les triptyques.

Life Unknown
2023
Corde, filet,figurine en acier / rope, net, steel figure
Courtesy Galerie Templon

"Cette exposition explore la condition humaine et ce qui se cache derrière. Dans mon travail, j'essaie de trouver un sens à la vie, à la connexion et à la mort. Je m'inspire de mes émotions et de mes expériences, mais il ne s'agit pas seulement de moi. Nous pensons tous que nous traversons la vie seuls et que nous sommes les seuls à avoir certaines pensées et sentiments dans notre cœur, mais nous sommes connectés de plusieurs manières. Nos souvenirs sont une partie cruciale de notre identité..." Chiharu Shiota.

Glass
2024
Matériaux mixtes / mixed media
Courtesy Galerie Templon

State of Being
2024
Bronze, fil métallique / bronze, metal wire
Courtesy Galerie Templon



Earth end Blood
2014
c-print
Courtesy Galerie Templon

Glass
2024
Matériaux mixtes / mixed media
Courtesy Galerie Templon


Déjà exposé au Musée Guimet en 2022, « Living Inside », livre une réflexion sur l’enfermement en temps de pandémie. Le fil de laine ici, tisse une toile autour de chaque objet miniature; lits, chaises, tables, armoires, vaisseliers, téléviseurs, etc. 

Living Inside
2021
Matériaux mixtes / mixed media
Courtesy Galerie Templon






Dans le salon du rez-de-chaussée, une installation est très belle mais de près il est difficile d'apprécier l'ensemble: le salon est à mon avis trop petit.

Et difficile à expliquer. 
Out of my Body
2020
Cuir, bronze / leather, bronze
Courtesy Galerie Templon

Alors je m'en suis remis à ces quelques mots lus sur un site :
"Dans d’autres de ses œuvres, elle tente de capturer la sensation de partir, cette impression que le sol se dérobe sous nos pieds face à une nouvelle bouleversante. Elle y explore également la question de ce qui survient de la conscience humaine après la mort."


Un dernière œuvre :

From DNA to DNA
1994
c-print
Courtesy Galerie Templon


Les œuvres sont belles et, sauf les photographies assez dures visuellement, sont - presque - accessibles à tous. En tout cas le message de liens conscients et non conscients est très compréhensible, même aux enfants.

A + !


mercredi 3 janvier 2024

MAX ERNST, INSONDABLE ENIGME.

J'espère que les fêtes furent bonnes et joyeuses ! Début d'une nouvelle année ! je vous la souhaite heureuse et en pleine santé ! 

Max Ernst ne m'était connu que de nom et bien sûr que quelques tableaux très partagés en public, pas plus. 

J'ai donc été très agréablement surpris par cette expo bien construite qui nous a montré l'année dermière en un peu plus d'une centaine d'œuvres les différentes techniques qu'à utilisé l'artiste. 

Surpris aussi, je ne vous le cache pas, par l'hermétisme des figures encadrés qui, sans le titre explicatif adjacent au tableau, me laisserait dubitatif à m'en gratter le sommet du crane - à chacun son tic - comme c' est souvent le cas devant un travail dit de l'art moderne, (ici je pense que c'est du surréalisme où bien du post-dadaïsme mais excusez-moi je suis nul en beaucoup de choses et particulièrement de ça, en fait "ça" ne m'intéresse guère) si vous vouliez un cours de l'histoire de l'art, c'est foutu, vous pouvez cliquer en haut en droite... bref, je digresse. Pour en revenir aux œuvres, de fait, à chaque tableau, l'explication du thème et la beauté de la technique nous permettent l'acceptation d'un monde où il nous convie d'entrer. Comme le dit Paul Éluard : "Max Ernst nous fait entrer dans un monde où nous consentons à tout, où rien n'est incompréhensible".

Et surpris enfin par la trajectoire de l'homme à travers l'Histoire avec un grand H qui ne lui a pas fait de cadeau bien que je qualifierais de chanceuse son histoire à lui. J'en reparlerais mais voyez quelques éléments de l'expo avec ce premier qui parait facile à aborder mais en fait, non.
 
AUX 100 000 COLOMBES
1925
Huile sur toile

Indication sur le panneau adjacent: "Cette œuvre est réalisée à partir de la technique du grattage qui consiste à retirer une partie des couches supérieures de la peinture à l'huile avec divers objets comme des spatules et couteaux afin d'obtenir différentes teintes et textures. La volée d'oiseaux semble être partagée entre une volonté d'union collective et une tentative désespérée de libération. Cette représentation métaphorique de la communauté exprime la dichotomie de la pensée humaine, partagée entre  le besoin de lien émotionnel et une aspiration profonde à la liberté.

Cette technique est également utilisée dans la série des fleurs-coquillages, élaborée par l'artiste entre 1927 et 1929."

fleur-coquillage

 *****

OEDIPUS REX
1922
Huile sur toile qui me plait assez.

 Indication sur le panneau adjacent:  Achetée par Paul Eluard et exposée en 1923 au Salon des indépendants à Paris, cette huile sur toile spectaculaire est réalisée à partir de collages xylographiques. dans ce chef-d’œuvre, l'artiste juxtapose de manière énigmatique différentes réalités en faisant notamment allusion au mythe d’œdipe, héros grec qui s'est involontairement rendu coupable d'inceste et de parricide. L'artiste représente le couple, métamorphosé en animaux prisonniers d'une autorité supérieure. Les dimensions de l'espace représenté sont insaisissables, les doigts sont surdimensionnés. la main percée et la noix fendue évoquent le thème récurent chez Ernst de l'aveuglement, d'une élimination brutale de la réalité visible au profit de la "vision intérieure"

*****

 

LE BAISER
1927
Huile sur toile: une beauté, on crie wouahou devant le tableau. Bien sûr là sur votre écran ça ne rend pas : il faut le voir VRAIMENT.

Indication sur le panneau adjacent: Pour réaliser ce tableau, Max Ernst lâche sur une toile couchée au sol une ficelle trempée dans la peinture afin d'obtenir des lignes fluides et continues qu'il retravaille ensuite. dans cette œuvre, le groupement pyramidal des figures rappelle la composition de la Sainte Anne de Léonard de Vinci que l'artiste admirait énormément. En 1910, cette dernière avait fait l'objet d'une fameuse interprétation par Sigmund Freud, qui y apercevait les contours d'un vautour, en lien avec une légende entourant l'enfance du peintre italien. L'agneau de Léonard a disparu ici, remplacé précisément par la figure d'un oiseau de proie.

Et voici Saint Anne de Léonard de Vinci:


(Et c'est vrai que là, même à l'écran du pc, l’œuvre est extraordinaire, inégalable Léonard)

*****

AUX ANTIPODES DU PAYSAGE
1936
Huile sur toile


 Indication sur le panneau adjacent:
Grâce à la technique surréaliste de la décalcomanie, qu'il adapte à la peinture à l'huile sur toile, Ernst fait naître des paysages imaginaires remplis de végétation luxuriante et peuplées de figures chimériques. Cette œuvre dénote l'atmosphère cosmique d'un paysage, à la fois montagneux et marin, qui nous transporte dans une dimension apparemment éloignée de tout contexte historique. Les créatures fantastiques qui émergent au premier plan semblent issues d' un imaginaire rêvé, éloigné de toute réalité. cette peinture matérialise l'énigme des messages et les obstacles dressés par l'artiste contre toute interprétation. réalisée en 1936, elle s'inscrit dans une série de tableaux qui semblent annoncer les catastrophes auxquelles l'Europe sera confrontée à l'âge des dictatures.

Je note que la moitié de cette explication avec ses "semblent" et "éloigné de" répétés, et puis "apparemment" est loin de me convaincre sur une conclusion annonciatrice de catastrophes, sans le commentaire avisé de l'auteur. J'y verrais plutôt un récit mythologique que chacun peut s'approprier et se le raconter à sa propre sauce, sa propre façon. A moins bien sûr que Ernst ne l'ait précisé. Personnellement,j'y vois une scène du "Rivage des Syrtes" (Julien Gracq) dont je vous ai parlé il y a peu, non parce qu'il y a une ressemblance frappante du paysage et des reliefs mais plutôt de l'atmosphére sombre et mystérieuse aussi de la poésie qui en émane. Cette scène se situe quand Vanessa fait découvrir le rocher de Vezzano à Aldo. Je n'y tiens plus de citer Gracq. Permettez-moi, svp.
"...D’un seul coup, comme une eau lentement saturée, le ciel de jour avait viré au ciel lunaire ; l’horizon devenait une muraille laiteuse et opaque qui tournait au violet au-dessus de la mer encore faiblement miroitante. Traversé d’un pressentiment brusque, je reportai alors mes yeux vers le singulier nuage. Et, tout à coup, je vis.
Une montagne sortait de la mer, maintenant distinctement visible sur le fond assombri du ciel. Un cône blanc et neigeux, flottant comme un lever de lune au-dessus d’un léger voile mauve qui le décollait de l’horizon, pareil, dans son isolement et sa pureté de neige, et dans le jaillissement de sa symétrie parfaite, à ces phares diamantés qui se lèvent au seuil des mers glaciales. Son lever d’astre sur l’horizon ne parlait pas de la terre, mais plutôt d’un soleil de minuit, de la révolution d’une orbite calme qui l’eût ramené à l’heure dite des profondeurs lavées à l’affleurement fatidique de la mer. Il était là. Sa lumière froide rayonnait comme une source de silence, comme une virginité déserte et étoilée.— C’est le Tängri, dit Vanessa..."


*****

ÉPIPHANIE
1940
Huile sur toile

Indication sur le panneau adjacent: Cette fascinante peinture a été réalisée en 1940, période trouble durant la quelle Max Ernst est incarcéré comme citoyen du Reich Allemand, au Camp de Loriol puis au camps des Milles près d'Aix-en-Provence. Le titre de l’œuvre ferait référence à la date d'achèvement du tableau, le 6 janvier, jour de l'Épiphanie. La scène évoque une forêt rocailleuse peuplée de racines et branchages, sous la pâle clarté d'une lune les observateurs pourrait être Nick Bottom du Songe d'une d'été de Shakespeare. La technique de la décalcomanie est ici portée à son apogée. La matière picturale est retravaillé jusqu'à en livrer un chef-d’œuvre à la frontière entre illusion et réalité.

*****

En ces époques tumultueuses, de guerres atroces et de génocides, comme beaucoup d'artiste de ces temps-là, Max Ernst a eu la vie mouvementée. Comme vous pouvez le voir si le courage vous mène jusque là,, j'ai repris quelques points clefs de sa vie ci-dessous. Sinon un point important est le changement notable d'atmosphère que subissent ses tableaux: alors qu'avant 1940, nous sommes devant des thèmes pessimistes, des paysages inquiétants, sombres, après le retour de l'artiste en France, les thèmes deviennent chaleureux, paisibles et même gais. Voyez:

LA  FETE A SEILLANS
1964
Huile sur toile 
Indication sur le panneau adjacent:Après un vagabondage incessant, Max Ernst trouve enfin à Seillans un lieu de sérénité et de réflexion. Avec l'âge, il intensifie sa production d’œuvres de grand format très colorées. Ici, il représente une fête champêtre à Seillans. Les couleurs bleu, blanc et rouge pourraient faire référence au drapeau français tandis que le vert évoquerait les éléments naturels qui envahissent chaotiquement toute la surface de la toile, et semblant même s'étendre au-delà, ont un aspect moléculaire, faisant allusion à la vie microscopique et intracellulaire qui fascine l'artiste. Tout s'entrecroise et s'interpénètre dans cette joie véritablement cosmique.
*****

LE JARDIN DE LA FRANCE
1962
Huile sur toile

Indication sur le panneau adjacent:  En 1953, Max Ernst et sa femme Dorothéa Tannning quittent définitivement les États-Unis pour la France. Ils partagent alors leur vie entre Paris et Huismes, dans la vallée de la Loire. Cette œuvre marquante, réalisée en 1962, célèbre cette période tourangelle sur les rives du fleuve. Ici, des fragments de cartes identifient la Loire et l'Indre qui enveloppent, en deux bras tout en rondeurs, le corps nu d'une femme. La grande sensualité de cette mystérieuse figure est exacerbée par la mise en valeur de ses attributs féminins, évocateurs de fertilité. La femme est ici associée à la nature nourricière et notamment à la Touraine, région connue pour la fertilité de son territoire.

*****

UN TISSU DE MENSONGES
1959
Huile sur toile
 
*****
 
UNE AUTRE BELLE MATINÉE
1957
Huile sur toile 

Tiré d'un panneau dans le musée:
...Le thème de l'oiseau est récurent chez Max Ernst. Enfant, il avait comme animal de compagnie un perroquet, du nom de Horneborn, qui mourrut la nuit même où sa petite soeur Loni vint au monde. Cet épisode marque profondément l'artiste en devenir, qui dés lors se crée un alter-égo du nom de Loplop, créature hybride mi oiseau, mi-humaine. Dans l'imaginationde l'artiste subsiste une représentation irrationnelle où se confondent oiseaux et hommes. Fantômes familier et personnel de Max Ernst, Loplop persiste dans ses oeuvres et le suit partout.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 *****
 
 Sa vie en "très raccourci" !
1909 Fils du peintre Philippe Ernst, il commence à étudier la philosophie à l'université de Bonn, mais il abandonne rapidement les cours pour se consacrer à l'art.
1914 Rencontre Hans Arp, Max Ernst s'intéresse au futur mouvement Dada, mais éclate la Première Guerre mondiale, et il est mobilisé.
1918 il épouse à Cologne la doctorante en histoire de l’art Luise Straus dont il aura un fils Jimmy. Relations tumultueuses, le couple se sépare en 1922. Luise Strauss poursuivra sa carrière de journaliste avant de décéder dans un camp de concentration nazi vingt ans plus tard.
1919 - 1926 Expos dans la mouvance Dada, 1923 Les Eluard et Max Ernst s’installent dans une maison à Eaubonne (région parisienne), où Max Ernst s’essaie à la technique de la fresque.1924  André Breton publie le Manifeste du surréalisme. 1925 première exposition d’art surréaliste présentée à Paris.
1926 Expos de peintures exécutées selon la technique du grattage.
1927 - 1937 Épouse Marie-Berthe Aurenche, Expo à New York, s'attaque à la sculpture.
1938 - 1940 Divorce de Marie-Berthe Aurenche, emménage à St-Martin-d'Ardèche avec Leonora Carrington. Découvre la décalcomanie. Puis emprisonné au camps des Milles comme « étranger ennemi ».
 
1941 il quitte Leonora Carrington et St-Martin-d'Ardèche pour Peggy Guggenheim à New York  qu’il épousera cette année-là.
1942 - 1943 Il explore la technique de l’oscillation, dont Jackson Pollock s’était servi comme déclencheur de ses drippings. Il rompt avec Peggy Guggenheim.
1946  Max Ernst et Dorothea Tanning se marient et déménagent en Arizona.
1948 nationalité américaine.
1951  il est nommé membre du Collège de pataphysique.

1953 Retour en France à Seillans.
1954 Il reçoit le Grand prix de peinture à la 17e Biennale de Venise.
1958 nationalité française.
1961 Rétrospective de l’œuvre de l’artiste au Museum of Modern Art.
1970 L’ensemble des écrits de Max Ernst sur près de cinq décennies est publié chez Gallimard sous le titre Écritures.
1975 Le Grand Palais inaugure à Paris la dernière grande rétrospective organisée de son vivant. Après un accident vasculaire cérébral, l’artiste reste alité à Paris durant onze mois.
1976 Max Ernst meurt à Paris.

à + !


mercredi 18 octobre 2023

International Klein Blue, numéro 6341.

 


J'aime l'hôtel de Beaumont à Aix-en-Provence parce qu'il nous permet de découvrir (ou redécouvrir) un artiste sans que l'exposition ne soit trop vaste et que, malgré toute la passion que l'on peut éprouver pour l'auteur concerné, après maints défilements de tableaux, sculptures et autre performances que nous avons scruté avec des Oh et des Ah, revenant même sur nos pas - en moonwalk, si si des fois - pour revoir une toile et puis repartons l'air extatique du pro de l'Art qui a tout compris - si si ne niez pas je vous ai vus - bref après maints choses admirées, nous nous lassons et arrivons avant terme à survoler les dernières œuvres en baillant, lorgnant sur la sortie: beaucoup c'est souvent trop. Ou alors il faut revenir et vite si l'expo est temporaire...

Oui j'aime l'Hôtel de Beaumont à Aix-en-Provence parce qu'il  n'est pas très vaste et les salles sont assez petites pour me dire "tiens ! je mettrais bien un canapé là" et assez grandes pour que je réponde au canap qui se sent un peu seul: "je n'ai pas les moyens de meubler autour" Si la surface modeste des salles ne permettent pas les très grands formats, (devant l'impossibilité de présenter "Ci-gît l’Espace" œuvre sur plan horizontal en fin de parcours, celle-ci donc a été substituée par le "Portrait Relief" œuvre verticale occupant moins de place au sol) ni de regarder un tableau de loin par manque de recul ( mais elles se prêtent tout à fait à admirer une sculpture de près), elle limite le nombre d’œuvres exposées et donc on prend son temps du début ...à la fin !. Les expos organisées ici montrent souvent un artiste parmi ses œuvres mais aussi dans son intimité: l’exiguïté des pièces contribue à la proximité avec la personne.


L'expo de Klein est de celle-ci: un échantillonnage de créations enrichi des faits marquants la vie de l'artiste.

Vous savez que vous pouvez cliquer pour mieux voir
L'inventeur du bleu klein,le 19 mai 1960, Yves Klein déposera à l’INPI (Institut national de la propriété intellectuelle), sous l’enveloppe Soleau numéro 6341, la formule de son « International Klein Blue » Klein va créer à partir de cette couleur particulière des tableaux, objets, installations monochromes qui feront de lui sa renommée.


Cette installation constituée de douze tiges suspendues au plafond au-dessus d’un plateau rempli de pigment bleu, l’œuvre se déploie dans l’espace à la manière d’un tableau dématérialisé. Selon les mots de l’artiste : « Le pigment pur exposé par terre, devenait un tableau de sol et non plus de cimaise », la couleur devenant ainsi « le plus immatériel possible, c’est à dire la force d’attraction elle-même».







Ce bleu c'est vrai est éblouissant et captive mes yeux jusqu'à me dire "qu'importe le support, une sphère, une éponge, un plan, une simple tache: c'est ce bleu Klein qui fait tout qui me séduit.

Vous savez que vous pouvez cliquer pour mieux voir

 

D'ailleurs, le "rendu" est très différent esthétiquement avec ces éponges-ci

 

La suite de l'expo m'a beaucoup moins plu: Klein utilise une femme nue comme pinceau et en public.

Vous savez que vous pouvez cliquer pour mieux voir

Beau coup médiatique me direz-vous, c'était dans l'air du temps, le wokisme n'existait pas, etc. peut-être oui mais quand même. Et puis il a fait mieux. Voyez plutôt. Un grand écran nous montrent des jeunes femmes nues se peindre en bleu Klein le corps puis s'étaler sur une toile blanche pour "imprimer" de leur corps une silhouette bleue et cela devant quelques invités la coupe de champagne à la main, ravis certainement. il a nommé toutes ces tableaux  "Anthropométries".

A voir aussi à ce propos sur Slate : Yves Klein, les femmes-pinceaux et l'«Anthropométrie de l'époque bleue» fatale

 Mais bon ce bleu ah ce bleu !

bref passons.

La suite propose sa période "Peintures de feu". Film où l'on voit Yves Klein portant un immense lance-flamme au Centre d’essais de Gaz de France, Saint Denis, pour bruler une toile vierge et y laisser une trace caramel sous la surveillance d'un pompier chargé d'éteindre la toile dès que l'artiste lui fait signe.

La Marque du Feu, 1961 – Peinture de Feu sans titre, 1961

Peinture de Feu sans titre, 1961

Autre chose qui m'a marqué c'est cette trilogie bleu, rose et or par laquelle Klein remplace la triade des couleurs primaires en peinture et "qui n’est pas sans évoquer la symbolique chrétienne de la Trinité. Ces trois couleurs sont aussi contenues dans le feu, symbole, à sa façon, de mort et résurrection. Quelle que soit la nature de sa foi et la sincérité de l’artiste, lorsqu’il se décrit comme « un Occidental, un chrétien bienpensant », des sentiments profonds et personnels fondent incontestablement « [sa] religion de l’absolu monochrome ». " comme expliqué dans l'expo. ça c'est fort, c'est très fort !


Un coffret est présenté ensuite.


Voici son histoire : Ex-voto dédié à Sainte Rita de Cascia, 1961. (Pigment pur, feuilles d’or, lingots d’or et manuscrit). Yves Klein s’est rendu à plusieurs reprises, avec sa tante, Rose Raymond, au monastère de Cascia où vécut sainte Rita, avocate des causes désespérées. Oublié pendant de nombreuses années, cet ex-voto a été redécouvert à la faveur d’un tremblement de terre survenu dans la région de Cascia en 1979, lorsqu’un peintre venu restaurer les vitraux du monastère a songé réutiliser les feuilles et lingots d’or contenus dans le coffret pour ses dorures. L’ensemble a ensuite été authentifié en 1980 par Pierre Restany.

Pour rester dans l'intimité voici l'artiste à son mariage

Vous savez que vous pouvez cliquer pour mieux voir


Son portrait-relief :

"Un peintre doit peindre un seul chef-d'œuvre: lui-même"

Il y avait  encore beaucoup de choses à voir, peut-être quelques belles réalisations mais c'est le personnage qui m' interpelle, son goût pour l'exhibition, j'en suis même à penser que tout tend vers un but commercial, les anthropométries, les peintures de feu, etc. jusqu'à sa dernière exhibition avant sa mort : le (pseudo) saut dans le vide.

 


 

c'était à mon sens un très bon marchand de son art. 

 

à + !