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mercredi 9 octobre 2024

BONNARD JAPONARD.

 Pour notre sortie mensuelle cousinale, après un excellent resto, nous somme retourné à l'hôtel de Caumont à Aix en Provence pour l'expo "Bonnard et le Japon"

Je ne suis pas particulièrement fan de Bonnard, et j'avais donc envie qu'il me séduise. Ce thème du Japonisme m'attirait donc bien. 

Les exposants supposent que le regardeur entrant dans l'expo a de quelques notions de l'histoire de l'art. Il faut donc souligner que Bonnard, comme d'autres artistes tels que  Whistler, Manet, Monet qui peint Camille en Japonaise, Degas, van Gogh, Tissot et sa "Japonaise au bain a succombé à ce grand vent d'exotisme qu'est le japonisme.

Mais le Japonisme qu'est-ce que c'est ?

La BNF en parle ainsi :"Le japonisme fut une mode, un engouement même, pour tout ce qui venait du Japon, en imitait le style, la manière. Mais une mode singulière qui dura près d'un demi-siècle, gagna tous les pays occidentaux depuis l’Angleterre et  la France, et dont les manifestations furent des plus contrastées. S’il produisit, en effet, ce qu'on appela tout de suite des japoniaiseries du plus mauvais goût, il est pourtant indéniable qu’il participa aussi, et de très près, à cette véritable révolution du regard que connut l'Europe entre les années 1860 et le début du XXe siècle."

Voilà. 

On peut entrer en comprenant pleinement pourquoi le Japon avec Bonnard et inversement !

Introduction murale:

A une époque où il cherche à s'émanciper de la pratique enseignée à l'École des beaux- arts, Bonnard considère les estampes japonaises comme un modèle essentiel pour son engagement sur la voie de la modernité. Il s'inspire de leurs dessins, libres de leurs couleurs vives et de leurs perspectives sans


profondeur pour créer des œuvres dans un style simplifié, dynamique et plein de gaieté.

En 1888, avec Paul Sérusier, Édouard Vuillard, Maurice Denis et Paul-Élie Ranson, il forme le premier noyau du groupe des Nabis, un mot dérivé de Neviim, « prophètes » en hébreu. Les Nabis contribuent à inventer un nouveau langage plastique stylisé avec une juxtaposition de plans colorés. Pierre Bonnard, surnommé le « Nabi très Japonard » par le critique d'art Félix Fénéon, est fasciné par la puissance des couleurs posées en aplats, sans relief ni ombre, des estampes japonaises. Il se met dès lors à utiliser des taches colorées avec des voisinages chromatiques audacieux. laissant passer une lumière venue du motif lui-même, et non plus d'une source extérieure.

En outre, l'art de l'estampe affranchit Bonnard des recettes de la perspective linéaire occidentale, basée sur l'illusion de la profondeur, et lui enseigne une nouvelle façon de représenter l'espace. Influencé également par le style calligraphique et ses lignes fluides en arabesque, Bonnard emprunte aux japonais une stylisation décorative qui sera l'une des grandes caractéristiques de sa peinture.

L'OMNIBUS Vers 1895 Huile sur toile
COLLECTION PARTICULIÈRE

La silhouette désarticulée de cette passante à la taille de guêpe semble entrainée par la rotation de l'énorme roue d'un véhicule placé derrière elle. Ce motif vu en gros plan représente, à la manière d'une métonymie, un omnibus hippomobile alors en service à Paris pour transporter les citadins. Ici le mouvement est au cœur de la représentation avec un effet d'instantanéité renforcé par la répétition des rayons de la roue. Le contraste entre la puissance de celle-ci et la fragilité de la jeune femme est renforcé par l'opposition entre le brun et le jaune, couleurs des omnibus du quartier des Batignolles où Bonnard avait son atelier.

Le visiteur déambule entre tableaux de Bonnard et Estampes de Utagawa Hiroshige. Les cartels à coté de chaque tableaux vont secourir mon petit cerveau pour comprendre ce qu'il y a de japonais dans Bonnard.

Utagawa Hiroshige
AMIS DE QUATRE SAISONS.
LE JARDIN D'HIVER
Vers 1849-50
Xylogravure polychrome
COLLECTION GEORGES LESKOWICZ

FEMMES AU JARDIN
FEMME À LA ROBE A POIS BLANCS FEMME ASSISE AU CHAT: FEMME À LA PELERINE! FEMME À LA ROBE QUADRILLÉE
1890-1891
Détrempé à la colle sur toile, panneaux décoratifs PARIS, MUSÉE D'ORSAY

En mars 1891 l'artiste fait des débuts remarqués au Salon des indépendants avec ce chef-d'œuvre de jeunesse qui était à l'origine conçu comme un paravent. Bonnard accroche finalement chaque panneau séparément car, comme il l'indique dans une lettre à sa mère : " ils vont bien mieux contre un mur. C'était trop tableau pour un paravent ".

Le caractère élancé des silhouettes est accentué par les lignes en arabesque et par le format allongé inspiré des kakémonos japonais. Le thème de la femme entourée de végétation, recurrent dans les estampes japonaises, est ici stylisé à l'extrême dans un espace sans profondeur. Ces panneaux peuvent être regardés comme un ensemble ou chaque composition se répond ou bien s'oppose, mais ils peuvent aussi bien se regarder de manière séparée. Les femmes au jardin ont parfois été interprétées comme une représentation des saisons de l'année à l'exclusion de l'hiver.



Hokusai Katsushika
SOUS LA VAGUE AU LARGE DE KANAGAWA
Série "Les trente-six vues du Mont Fuji"
Vers 1830
COLLECTION GEORGES LESKOWICZ
Fac-similé

FRANCE-CHAMPAGNE
1891
Affiche lithographiée en trois couleurs sur vélin LE CANNET, MUSÉE BONNARD

Dans cette affiche éditée en 1891, Bonnard réalise de nombreux emprunts aux graveurs de l'ukiyo-e pour dessiner sa buveuse de champagne. La mousse abondante qui s'échappe de sa coupe est traitée à la manière de l'écume de La Grande Vague, chef d'œuvre de Hokusai. En effet, pour évoquer les bulles en expansion autour de la jeune femme, Bonnard laisse en réserve le blanc de la feuille de papier comme l'avait fait le grand maître Katsushika Hokusai (1760-1849) pour évoquer le bouillonnement de cette vague monumentale de tsunami.




CINÉTISME
BOULEVARD DE CLICHY 1911
Huile sur toile
Collection Raphaël Schmit
"Comme les artistes japonais, Bonnard utilise toutes sortes de subterfuges pour traduire le mouvement et le déplacement dans l'espace. Sa manière de saisir la marche des passants dans les rues, ou le pas des 
patineurs sur la glace, repose sur la décomposition du mouvement.
Il utilise non seulement des gros plans, mais joue également de l'enchaînement des vides et des pleins et de l'absence de plan médian, qui nécessite dès lors que l'œil du spectateur reconstitue la narration. Le procédé du motif coupé au bord de la toile ou de la feuille quand il s'agit d'une gravure, largement utilisé dans les estampes, est par ailleurs très apprécié de Bonnard car il suggère un mouvement qui s'étend hors-champ.
Les cadrages insolites peuvent être également rapprochés d'instantanés photographiques, une technique pratiquée par l'artiste avec son appareil Pocket Kodak. Bonnard, en tant que contemporain de la naissance du cinématographe, est fasciné par l'image en mouvement et fera de sa représentation un élément essentiel de son art."




Utagawa Hiroshige
LA COLLINE KINOKUNIZAKA ET L'ÉTANG TAMEIKE A AKASAKA
AVEC UNE VUE LOINTAINE
série "Cent vues célèbres d'Edo" Vers 1857
Xylogravure polychrome
COLLECTION GEORGES LESKOWICZ


1/ POISSONS DANS UN BASSIN OU LE BASSIN D'AGENOR
Vers 1943
Huile sur toile
COLLECTION PARTICULIERE

2/ NU À LA LUMIÈRE
1908
Huile sur toile
MAN MUSÉE D'ART ET D'HISTOIRE VILLE DE GENÈVE LEGS VASSILY PHOTIADES, 1977

3/ FLEURS SUR UN TAPIS ROUGE
AU CANNET
1928
Huile sur toile
LYON, MUSÉE DES BEAUX-ARTS, LEGS JACQUELINE DELUBAC, 1997

4/ NU CONTRE LA BAIGNOIRE
vers 1930
Aquarelle sur traits de crayon COLLECTION PARTICULIÈRE


TERRASSE DANS LE MIDI
Vers 1925
Huile sur toile
GRENGELL FONDATION GLEN



Celle-ci m'a bien plu:

CONVERSATION PROVENÇALE
1911, retravaillé en 1927
Huile sur toile
PRAGUE NATIONAL GALLERY
"Les deux personnages au premier plan servent de faire-valoir à un décor méditerranéen vu des hauteurs de Grasse. A gauche se tient le peintre Josef Pankiewicz (1866-1940), un artiste d'origine polonaise que Bonnard a rencontré en 1908. Derrière une table de style chinois en laque rouge, se trouve une jeune femme blonde, Marthe probablement, à demi étendue sur le sol. Le duo mystérieux ne se regarde pas et tourne le dos à la vue sur la mer. Ici la juxtaposition entre la terre et l'eau est composée à la manière japonaise à l'aide d'un étagement de plans sous la forme de bandes horizontales colorées. En regardant longuement les œuvres de Bonnard, des surprises se révèlent comme les petits chats à la gauche de la scène."

Celle-là aussi d'ailleurs :


BAIGNEURS À LA FIN DU JOUR
Vers 1945
Huile sur toile
LE CANNET, MUSÉE BONNARD
"Ce tableau célèbre le plaisir de l'eau après une chaude journée d'été. La composition s'organise en bandes horizontales de couleurs fondues ou contrastées où la mer occupe la majeure partie de la toile. Eclairés par les derniers feux du couchant, les baigneurs sont réduits à des taches lumineuses jaune et rouge orangé. Dans le cercle chromatique, ces teintes s'opposent au bleu outremer et au vert émeraude. Placées côte à côte, elles se renforcent mutuellement donnant une luminosité intense à cette composition qui a appartenu au célebre critique et éditeur d'ouvrages d'art Téríade."



Et le dernier, mon préféré:


L'AMANDIER EN FLEURS
vers 1930
Huile sur toile
LE CANNET, MUSEE BONNARD, DON DE LA FONDATION MEYER

"Bonnard confie que l'amandier de son jardin, qui est le premier arbre à fleurir à la sortie de l'hiver, lui donne << la force de le peindre chaque année ». Planté au fond du jardin du Cannet, où il se trouve encore aujourd'hui, l'amandier en fleurs est la sentinelle du retour du printemps. La mousse blanche des fleurs, qui occupe toute la hauteur du tableau témoigne de la vitalité de la nature. L'arbre se détache sur un ciel d'azur, où l'air circule entre les branches, apportant un sentiment de paix et d'harmonie. En 1930, l'année de l'exécution de cette toile, la peinture de Bonnard atteint sa plénitude."


Et voilà, terminé le billet ! J'espère qu'il n'a pas été trop long, mais surtout que l'expo a pu vous expliquer cette facette japonisante de Bonnard, et que celui-ci a su, comme moi, vous séduire par ses couleurs.

à + !

mercredi 15 novembre 2023

LA BARONNE CHARLOTTE BEATRICE EPHRUSSI DE ROTHCHILD ET SA VILLA DE ST JEAN CAP FERRAT.

 Lors de notre villégiature à Villefranche-sur-Mer, nous avons visité la Villa Ephrussi de Rothchild (ou villa Ile-de-France) à Saint Jean Cap Ferrat. Magnifique petit palais entouré de très beaux jardins bien entretenus, et dans laquelle beaucoup de chefs-d’œuvre en ameublements, tapisseries, sculptures,  tableaux, faïenceries, etc. nous attendaient, tant d'émerveillements, intelligemment réunis ici. Mais pardon,  je ne vais pas tomber dans le piège d'une énumération à visée exhaustive car cela ressemblerait à un gros catalogue maladroit ! D'autres blogs vous serviront leurs visites beaucoup mieux que moi. Juste quelques belles photos. Pour se rendre compte.

Par contre, laissant de coté tout ce que l'on peut admirer matériellement, je  m'attarderais davantage sur le coté humain: la créatrice de cette villa, Béatrice de Rothschild.

 Pour situer Béatrice 1864-1923

Pour situer Béatrice, bien que l'on puisse penser que c'est superflu quand on s'appelle Rothschild, mais bon...sachez qu'elle est la fille du baron Alphonse de Rothschild, régent de la Banque de France et grand collectionneur d’art, et de Leonora, une Rothschild elle aussi, mais de la branche anglaise. 

L'art, Béa, elle connait: née en 1864 dans un hôtel particulier du 1er arrondissement de Paris *, l'hôtel Talleyrand (l'ancien Consulat des États-Unis) et devenu maintenant l'hôtel Saint-Florentin, elle vivra dans de somptueuses demeures comme dans des châteaux tel que celui de son grand-père au domaine de Ferrières-en-Brie.

  Vingt et ans de vie maritale qui finit mal.

1883. Béatrice épouse Maurice Ephrussi milliardaire russe originaire d'Odessa oui Odessa était russe à l'époque, riche banquier. Le couple, collectionneurs d'art, commence à acquérir des œuvres: objet, peintures, porcelaines rares et meubles anciens.  Deviennent propriétaires du château de Reux, gèrent également une villa à Monté Carlo, bref, tout semble aller comme sur des roulettes. Sauf que, Maurice non seulement a le tort de refiler une maladie à son épouse, la tuberculose génitale qui entraîne la stérilité mais aussi, est un flambeur et beaucoup plus que moi qui ne flambe que des bananes sous le regard inquiet de ma moitié pour la hotte aspirante au-dessus des flammes, bref c'est un joueur de casino qui accumule d'importantes dettes de jeu de plus de 12 millions de francs-or, et, en 1904, les Rothschild le poursuivirent en justice pour le séparer légalement de Béatrice. Béa garde son nom Ephrussi car à l'époque le divorce était bien mal vu...

 

 1905.  Décés de Papa le baron: Béatrice, maintenant disposant d'une importante fortune, se consacrera à des acquisitions d’œuvres d'art jusqu’à sa mort. Déjà accro à la Riviera française, elle veut construire une villa, à l'instar du cousin de son mari, Théodore Reinach  qui en 1902 construisit sa villa Kerylos . Elle tombe sous le charme d'un terrain voisin de la propriété du roi Léopold II de Belgique, et se dispute cette parcelle avec celui-ci, lui désireux d'agrandir sa propriété mitoyenne - ah ! les voisins ! Acquéreuse de ces 7 Ha, elle y conçoit cette villa Ephrussi de Rothschild.
 

1912. La construction s'achève enfin. Béatrice savait ce qu'elle voulait, de prestigieux architectes se voient refuser leur projet comme Claude Girault, (architecte du Petit Palais) ou Henri-Paul Nénot, (nouvelle Sorbonne).  La villa sera l’œuvre de trois architectes : Jacques-Marcel Auburtin , second Grand Prix de Rome en 1897, Aaron Messiah, d’origine niçoise, et Gustave Majou, architecte de la Fondation Rothschild de 1905 à 1914. 

La villa rappelle les grandes maisons de la Renaissance italienne. Plusieurs ornements (pilastres, chapiteaux) sont des répliques de l’église Santa Maria dei Miracoli à Venise (lien explicatif)
La dépose de fresques ou de peintures de plafonds de palais vénitiens n’était pas rare à cette époque, c’est le cas de la fresque transposée sur toile attribuée à Costantino Cedini (1741-1811), aujourd’hui conservée à la Villa Ephrussi de Rothschild. Elle représente L’Apothéose de la famille Garzoni et provient du palais Garzoni à Venise, où elle ornait le plafond du Portego.


Elle y veut des jardins: là où ne poussent que des pins dans des reliefs accidentés de rochers, elle fait dynamiter, araser et apporter des tonnes de terre pour aplanir.
 
Elle y crée son propre zoo privé avec des oiseaux et des animaux exotiques, notamment des flamants roses, des perruches, des singes, des mangoustes, des antilopes et des gazelles. 

Elle la décore de plusieurs de ses collections, issues de celles de son père mais aussi d'autres acquisitions; La baronne a du caractère, comme on l'a vu avec le choix difficile de l'architecte, collectionneuse d'art passionnée, elle a des goûts très précis. "Le goût de Béatrice n’était partagé par aucun des collectionneurs de la Riviera, ni par le comte de Belinet, la baronne de Bucamps, le comte de Montaldo, ancien secrétaire de la légation de Sardaigne, qui s’intéressaient aux peintures, meubles ou objets d’art classiques français, ni même par le comte polonais Leliwa de Rohozinski, intime du prince Louis-Napoléon, dont la passion pour les dessins de Félicien Rops n’avait pas d’égal."

Béatrice entretenait une importante relation avec les marchands d’art italiens – Giuseppe Sangiorgi, Attilio Simonetti et Antonio Salvadori – et beaucoup de mobiliers sont piémontais. Acquisitions d’œuvres d’art, boiseries anciennes, tapisseries, collection de porcelaines de Vincennes et de Sèvres, "singeries", mobiliers antiques, chinoiseries, tableaux, sculptures, etc.



 
La baronne a ses appartements privés, bien sûr, et si elle s'applique à remplir la villa de trésors, elle y réside rarement, préférant Monté Carlo et son casino et délaissera la villa à partir de 1916 (décès de son ex-époux Maurice).


1934.  Elle succombe à une tuberculose à Davos en Suisse. N'ayant pas eu de descendance, elle lègue la villa et l’ensemble de ses collections d’art à l’Académie des beaux-arts. La villa devint ainsi le réceptacle d’un ensemble de mobilier et d’objets d’art (plus de 5 000 pièces), jusque-là partagé entre les quatre résidences qu’elle possédait : la villa Ephrussi de Rothschild, l'hôtel particulier à Paris, la Villa Soleil et la Villa Rose de France (ces deux villas de Monaco ont depuis été démolies).

La visite de la villa si l'on veut se régaler prend du temps, et après les jardins, cela prend toute l'après midi, mais quel plaisir !

Ref infos collectées sur:

à + !


mercredi 18 octobre 2023

International Klein Blue, numéro 6341.

 


J'aime l'hôtel de Beaumont à Aix-en-Provence parce qu'il nous permet de découvrir (ou redécouvrir) un artiste sans que l'exposition ne soit trop vaste et que, malgré toute la passion que l'on peut éprouver pour l'auteur concerné, après maints défilements de tableaux, sculptures et autre performances que nous avons scruté avec des Oh et des Ah, revenant même sur nos pas - en moonwalk, si si des fois - pour revoir une toile et puis repartons l'air extatique du pro de l'Art qui a tout compris - si si ne niez pas je vous ai vus - bref après maints choses admirées, nous nous lassons et arrivons avant terme à survoler les dernières œuvres en baillant, lorgnant sur la sortie: beaucoup c'est souvent trop. Ou alors il faut revenir et vite si l'expo est temporaire...

Oui j'aime l'Hôtel de Beaumont à Aix-en-Provence parce qu'il  n'est pas très vaste et les salles sont assez petites pour me dire "tiens ! je mettrais bien un canapé là" et assez grandes pour que je réponde au canap qui se sent un peu seul: "je n'ai pas les moyens de meubler autour" Si la surface modeste des salles ne permettent pas les très grands formats, (devant l'impossibilité de présenter "Ci-gît l’Espace" œuvre sur plan horizontal en fin de parcours, celle-ci donc a été substituée par le "Portrait Relief" œuvre verticale occupant moins de place au sol) ni de regarder un tableau de loin par manque de recul ( mais elles se prêtent tout à fait à admirer une sculpture de près), elle limite le nombre d’œuvres exposées et donc on prend son temps du début ...à la fin !. Les expos organisées ici montrent souvent un artiste parmi ses œuvres mais aussi dans son intimité: l’exiguïté des pièces contribue à la proximité avec la personne.


L'expo de Klein est de celle-ci: un échantillonnage de créations enrichi des faits marquants la vie de l'artiste.

Vous savez que vous pouvez cliquer pour mieux voir
L'inventeur du bleu klein,le 19 mai 1960, Yves Klein déposera à l’INPI (Institut national de la propriété intellectuelle), sous l’enveloppe Soleau numéro 6341, la formule de son « International Klein Blue » Klein va créer à partir de cette couleur particulière des tableaux, objets, installations monochromes qui feront de lui sa renommée.


Cette installation constituée de douze tiges suspendues au plafond au-dessus d’un plateau rempli de pigment bleu, l’œuvre se déploie dans l’espace à la manière d’un tableau dématérialisé. Selon les mots de l’artiste : « Le pigment pur exposé par terre, devenait un tableau de sol et non plus de cimaise », la couleur devenant ainsi « le plus immatériel possible, c’est à dire la force d’attraction elle-même».







Ce bleu c'est vrai est éblouissant et captive mes yeux jusqu'à me dire "qu'importe le support, une sphère, une éponge, un plan, une simple tache: c'est ce bleu Klein qui fait tout qui me séduit.

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D'ailleurs, le "rendu" est très différent esthétiquement avec ces éponges-ci

 

La suite de l'expo m'a beaucoup moins plu: Klein utilise une femme nue comme pinceau et en public.

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Beau coup médiatique me direz-vous, c'était dans l'air du temps, le wokisme n'existait pas, etc. peut-être oui mais quand même. Et puis il a fait mieux. Voyez plutôt. Un grand écran nous montrent des jeunes femmes nues se peindre en bleu Klein le corps puis s'étaler sur une toile blanche pour "imprimer" de leur corps une silhouette bleue et cela devant quelques invités la coupe de champagne à la main, ravis certainement. il a nommé toutes ces tableaux  "Anthropométries".

A voir aussi à ce propos sur Slate : Yves Klein, les femmes-pinceaux et l'«Anthropométrie de l'époque bleue» fatale

 Mais bon ce bleu ah ce bleu !

bref passons.

La suite propose sa période "Peintures de feu". Film où l'on voit Yves Klein portant un immense lance-flamme au Centre d’essais de Gaz de France, Saint Denis, pour bruler une toile vierge et y laisser une trace caramel sous la surveillance d'un pompier chargé d'éteindre la toile dès que l'artiste lui fait signe.

La Marque du Feu, 1961 – Peinture de Feu sans titre, 1961

Peinture de Feu sans titre, 1961

Autre chose qui m'a marqué c'est cette trilogie bleu, rose et or par laquelle Klein remplace la triade des couleurs primaires en peinture et "qui n’est pas sans évoquer la symbolique chrétienne de la Trinité. Ces trois couleurs sont aussi contenues dans le feu, symbole, à sa façon, de mort et résurrection. Quelle que soit la nature de sa foi et la sincérité de l’artiste, lorsqu’il se décrit comme « un Occidental, un chrétien bienpensant », des sentiments profonds et personnels fondent incontestablement « [sa] religion de l’absolu monochrome ». " comme expliqué dans l'expo. ça c'est fort, c'est très fort !


Un coffret est présenté ensuite.


Voici son histoire : Ex-voto dédié à Sainte Rita de Cascia, 1961. (Pigment pur, feuilles d’or, lingots d’or et manuscrit). Yves Klein s’est rendu à plusieurs reprises, avec sa tante, Rose Raymond, au monastère de Cascia où vécut sainte Rita, avocate des causes désespérées. Oublié pendant de nombreuses années, cet ex-voto a été redécouvert à la faveur d’un tremblement de terre survenu dans la région de Cascia en 1979, lorsqu’un peintre venu restaurer les vitraux du monastère a songé réutiliser les feuilles et lingots d’or contenus dans le coffret pour ses dorures. L’ensemble a ensuite été authentifié en 1980 par Pierre Restany.

Pour rester dans l'intimité voici l'artiste à son mariage

Vous savez que vous pouvez cliquer pour mieux voir


Son portrait-relief :

"Un peintre doit peindre un seul chef-d'œuvre: lui-même"

Il y avait  encore beaucoup de choses à voir, peut-être quelques belles réalisations mais c'est le personnage qui m' interpelle, son goût pour l'exhibition, j'en suis même à penser que tout tend vers un but commercial, les anthropométries, les peintures de feu, etc. jusqu'à sa dernière exhibition avant sa mort : le (pseudo) saut dans le vide.

 


 

c'était à mon sens un très bon marchand de son art. 

 

à + !

lundi 5 avril 2021

Une Pinacothèque Frettoise

 "Si quelqu’un pourtant veut voir aux environs de Paris un coin de paysage tout particulier, unique, inconnu, je lui indiquerai le pays des lilas, le coteau de la Frette..."

Ainsi commençait l'article de Guy de Maupassant paru dans Le Gaulois du 29 avril 1881 à propos de ce village qu'était La Frette sur Seine.

Cette petite agglomération coincée entre Herblay, Montigny et Cormeilles est toute ouverte sur la Seine, et les maisons à flancs de coteaux bénéficient d'une vue extraordinaire sur le fleuve et ses rives. Encore si calme et si paisible pourtant si proche de Paris, elle a séduit toutes celles et tous ceux qui s'y sont promené.


La lumière au fil des saisons module les couleurs de la végétation, des arbres en contraste avec les toits rouges. 
Les péniches brisant le miroir autour d'elles en vagues successives font naître des scintillements et des reflets chamarrés réveillant l'eau sombre du fleuve.
Bref, tout ça pour dire que ce n'est pas par hasard que nombres de peintres ont joué du pinceau sur les rives ou dans les rues. Et leurs témoignages sont tout autant nombreux: Antoine Barbier, Charles Camoin, Charles-François Daubigny, Tadashi Kaminagai, Lucien Pissaro, Maurice de Vlaminck, etc.
Et aussi ceux qui y ont carrément vécus:  Anne-Pierre De Kat, Alfred Marie Le Petit et Alfred Marquet ! Avec cette brochette si prestigieuse, il fallait pas moins que pour le revendiquer de l'afficher ! 
Et la ville depuis longtemps l'a fait. 
Voici donc.

Commençons par la place de la gare, là où vivait Théo Sarapo, où son père avait 
un salon de coiffure, avant bien sûr de devenir  l'époux d'Edith Piaf.

Quelle impression d'être là où Tadashi Kaminagai s'est tenu ! 


Magnifique toile d'Eugène Paul dit Gen Paul ! Peintre, graveur, il fut l'illustrateur de deux romans "Voyage au bout de la nuit" et Mort à crédit" de qui vous savez, dont il fut l'ami et malheureusement proche lui aussi des milieux collabo. Mais parcourez la biographie de Gen Paul, elle en vaut la peine.

Le très joli texte de Guy de Maupassant continue ainsi:

En face du parc de Maisons-Laffitte, entre le village de Sartrouville et le hameau de la Frette, s’étend un petit coteau qui suit le cours de la Seine et s’arrondit avec le fleuve. Cette colline, toute verte le reste de l’année, semble aujourd’hui teinte en violet, et quand on se promène à son pied une odeur délicieuse et forte vous pénètre, vous grise ; car c’est là qu’on cultive tous les lilas qui embaumeront Paris dans quelques jours. On y cultive les lilas comme les asperges à Argenteuil, comme la vigne en Bourgogne, comme les blés ou les avoines en Normandie... 


  ...et Ce sont des champs en pente plantés d’arbustes, maintenus à une taille égale ; et sur toute la surface du coteau s’étend à présent une nappe de bouquets à peine ouverts, que des moissonneuses commencent à cueillir, qu’elles nouent en gerbes et envoient chaque nuit à la halle aux fleurs.





De petits chemins se perdent au milieu de ces buissons parfumés ; et parfois une épine épanouie semble une boule de neige au milieu de la côte violette. Dans quinze jours, toute la récolte sera faite et les buissons déflorés n’auront plus que leur feuillage vert où quelques grappes tardives se montreront encore de place en place.




Par un jour de soleil, rien de plus curieux, de plus charmant que ce coteau garni de lilas d’un bout à l’autre. Là seulement, ceux qui ne connaissent point le Midi, la patrie des parfums, apprennent ce que sont ces senteurs exquises et violentes qui s’élèvent de tout un peuple de fleurs semblables, épanouies par toute une contrée. Là, dans la tiédeur d’une chaude journée, on peut éprouver cette sensation rare, particulière et puissante, que donne la terre féconde à ceux qui l’aiment, cette ivresse de la sève odorante qui fermente autour de vous, cette joie profonde, instinctive, irraisonnée que verse le soleil rayonnant sur les champs ; 





























et on voudrait être un de ces êtres matériels et champêtres inventés par les vieilles mythologies, un de ces Faunes que chantaient autrefois les poètes.