Ah le petit tour , par le pont de l'autoroute et le petit chemin si tu veux? Le petit tour, j'ai les olives.
- OK va pour les 8 km.
- Alors tes olives ? t'en es où ? ah non tourne à gauche Phil, ça va être boueux dans le petit chemin.
- Oui mais ça rallonge un peu. Eh bien fini ! ...petite récolte... 160 kg...pas mieux et ça me suffit bien, ça me suffit bien... et toi ?
- Té ! Une tonne deux, une tonne trois... Et si on descendait par le chemin du paysan ?
- Oui mais ça rallonge encore un peu. J'dis ça moi c'est pour toi. Pour tes olives.
- Vé restent juste ceux-là en bas de ma campagne, 5 ou 6 arbres et encore ils sont pas pleins, juste pour finir, c'est pas pour le poids d'olives que ça va donner ... enfin, c'est pour dire que je termine ... juste pour dire.
- Oui et le mois prochain on commence la taille...
L'anecdote. Au cours d'une visite, d'un voyage, dans un livre, un film il y a
toujours quelque chose qui saute aux yeux, un petit quelque chose qui
vous interpelle et ce petit rien, ce contrepoint, cette anecdote qui n' a
quelquefois rien à voir avec le reste, s'imprime dans la mémoire.
L'anecdote se déniche partout, au détour d'une ruelle à Barcelone (Lien), ou dans une riche villa comme la villa Ephrussi de Rothschild, où on y trouve des milliers d'objets d'art, meubles de toutes sortes provenant autant de palais, de châteaux royaux que d'ateliers d'artistes ou de salles des ventes internationales, de différents siècles et de différentes disciplines en commençant par l'archéologie: on y trouve de bien belles choses.
Notamment, un petit cadre superbe mettant en valeur une aquarelle de Gustave Moreau oh cela semble anecdotique au vu de l'immensité du reste mais quel bel œuvre et quel charme en émane ! Et puis à l'époque actuelle, quel thème intrigant que le soir et la douleur !
Gustave Moreau s'est inspiré d'un poème éponyme de Paul Bourget, Le Soir et la Douleur.
« La Douleur dit au Soir: "Oh viens, toi que j'appelle, Toi le seul qui jamais, jamais ne m'a fait mal..." Et le Soir, souriant et pâle, vient vers elle Sur l'escalier du ciel occidental. Le Soir à la Douleur soupire: "Mon Aimée..." Il la prend par les mains, la force à s'asseoir, et comme elle se sent intimement charmée Par la caresse apaisante du Soir ! Le Soir dit: "Mon Aimée, entends mourir le monde Et se taire la voix de ces hommes cruels, Et s'approcher la Nuit, ta sœur triste et féconde, Les bras chargés de lis surnaturels..." La Douleur au beau Soir répond : "J'ai peur de l'ombre Comme j'ai peur de l'homme et du jour obsesseur. J'ai peur de ces milliers de regards du ciel sombre, Je t'aime, toi, pour ta morne douceur." Mais le Soir n'entend plus cette plainte. Il se lève, Il voudrait embrasser l'Aimée, il ne peut pas. Il est déjà lointain et vague, comme un rêve. Et la Douleur reste seule ici-bas. >>
Elle est magnifiquement fine dans le détail, la délicatesse du Soir, le regard absent de la Douleur, le clair obscur un peu rosé du jour tombant, les reflets de l'eau...
Si on était plus terre à terre, si on sortait du symbolisme bourgetien, si, n'ayant pas le bagage littéraire d'un universitaire tout comme moi quoi, si on se disait donc: le Soir n'est-il pas le déclencheur de la Douleur ? ce qui serait paradoxal vu qu'il arrive pour tenter de la consoler.
N'avez vous jamais ressenti, quand la lumière du jour décline, une bouffée soudaine et trouble qui vous pénètre l'esprit et vous pousse au mieux dans une contrariété, ou davantage une mélancolie, ou même au pire dans une douleur vous prenant au ventre, vous attrapant les boyaux pour en faire un nœud gros comme ça. Alors ? dites moi qui provoque cela ? On pourrait croire que c'est le soir lui-même qui apporte cette dégradation, ou bien n'est-ce pas la pause que l'on s'accorde à nous-même à cet instant de la journée, ayant terminé nos activités, nous retrouvons inactifs, et posés, assis, inactifs, las, nous pensons alors à nous-même, aux tâches du lendemain, aux inquiétudes des enfants, aux disparus qui nous manquent, au regard obsédant des autres sur nous et qu'en faire, etc. Le soir adoucit cet instant ? donc apparait comme bienveillant ? il te dit regarde, c'est la fin du jour et le sommeil te mènera à une autre belle journée ! alors là soit tu le regarde avec gratitude ou soit tu le maudis parce que tu es insomniaque ... Dans le texte accompagnant l'aquarelle on peut y lire : "Moreau a choisi ici les retrouvailles du Soir et de la Douleur l'instant où la douceur l'emporte sur le temps" En fait le soir n'est pas une promesse, ni une sentence. C'est une caresse qu'il faut juste profiter à l'instant présent, ne pas la faire durer, elle va se dissoudre dans l'obscurité, ne pas la laisser infuser ses obstinations crépusculaires, et se mettre devant un bon repas, un bon bouquin ou un bon film ! Bougez.
Gustave Moreau (1926-1898) Le Soir et la Douleur Aquarelle H. 367: L. 198 mm - Slanée en bas à gauche: Gustave Moreau - Saint Jean-Cap-Ferrat, Académie des beaux-arts, Villa Ephrussi de Rothschild, EdR 1601 - Provenance Sans doute Mme Kann en 1885; Émile Straus (1844-1929), sa vente après décès, Paris, galerie Georges Petit, 3 et 4 juin 1929. no 19, acquis par Béatrice Ephrussi de Rothschild (1 864-1934), légué en 1934 à l'Académie des beaux-arts.
Ouaip ! je viens de relire mon texte. Eh bien c'est pas bien drôle tout ça, faut surtout pas finir par ça ce soir , moi je vais chercher une bonne recette de lasagnes, la mienne est un peu "collante".
Les filles sont partis se pâmer devant des vêtements à la Galerie Dior comme aucuns des garçons n'a d'attirance pour la haute couture et même la couture en général, je suis rarement satisfait de mes reprises à mes chaussettes, Isa s'en sort mieux que moi, c'est ça l'héritage de la domination masculine qui a tant œuvré pendant des millénaires pour que tous ces menus doigts féminins puissent se satisfaire d'un peu de fil et d'une aiguille ! Ah quelle dextérité elles ont acquise ! Ah comme on est forts nous les hommes ! Bon bref. Nous les garçons, pour faire consensus, avons choisi sur la même ligne de métro d'aller plus loin au Palais de Tokyo.
Parce qu'il pleuvait, je pense, le Palais était plein car les expos n'étaient pas très attractives. L'édito de la brochure commence par ces mots:
Saison divers (Ah ah ah ! elle est bonne celle-là ! ah ah ah)
La diversité est au cœur de cette saison d'automne du Palais de Tokyo. La diversité des formes artistiques (de la performance au film, à la peinture, au dessin, aux installations ou encore au graffiti) tout autant que celle des identités : identités que l'on s'invente, que l'on doit parfois construire avec ou contre d'autres...
Que j'ai traduis par "n'ayant pas une expo conséquente d'un artiste important à vous proposer, on vous a concocté une ripopée d’œuvres diverses mais quand même avec un point commun: leur diversité."
Bon ça c'est pour la critique et je passerai sur les installations dont la signification se situe bien au-dessus de ce que mon petit esprit peut concevoir dans l'art moderne/post moderne. Sinon j'y ai vu de bien belles choses, d'abord, l'expo de J.Lena Knel & A.Hans Scheirl : DOPPELGÄNGER.
Doppelgänger est une créature présente dans les mythes nordiques et germaniques, le doppelgänger tient son nom de l’allemand doppelgänger qui signifie sosie. En effet, il se présente toujours comme une copie, un double de quelqu’un, ou sa version alternative.
Ce que dit le programme: "...leur projet prend la forme de scènes ouvertes, îlots de lumières qui invitent le public à explorer des "espaces de désirs" selon leurs mots, inspirés par les codes de l'évènemetiel. Les références s'enchevêtrent pour créer des œuvres et des êtres protéiformes, dont le transmorphisme repousse les limites de bon goût et des représentations de l'identité-les artistes s'appuyant sur le préfixe "trans" : transmédium, transidentité, transmatérialité, transcontexte-tandis qu'un dialogue à la fois ludique et inquiétant s'ouvre entre la création contemporaine et l'histoire de l'art et du design: du maniérisme au surréalisme, du romantisme noir au biomorphisme, et du grotesque au postmodernisme, en s'ouvrant sur un avenir d'existence cybernétique."
Captivantes ces scènes ouvertes où, curieux que nous sommes, n'hésitons pas à "faire le tour" pour bien capter l'ambiance "romantique" (je ne trouve pas le terme exact) et surréaliste.
Cliquez sur l'image pour les détails
Sur le panneau:
"Un paravent est généralement un élément décoratif destiné à protéger en cachant. Ici, réalisé en miroirs multicolores et occupant toute la largeur de la salle, il symbolise l'exposition Doppelganger ! : projection de soi dans l'autre, jeu sur le dédoublement, les faux-semblants, la mise en scène et la transformation de soi. C'est également la toile de fond d'une série de sculptures de Jakob Lena Knebl, présentées sur des tables basses et intitulées Arpapapa. Ce titre onomatopéique, mot-valise humoristique, représente la fusion de deux symboles : les sculptures rondes, lisses et sensuelles de l'artiste Jean Arp, cofondateur du mouvement Dada au début du 20° siècle, et la figure de Barbapapa, personnage pour enfants créé par Annette Tison et Talus Taylor dans les années 1970, ayant la capacité de prendre n'importe quelle forme. Mais ces sculptures, réalisées en impression 3D et présentant un aspect laqué séduisant, sont aussi le reflet d'une société post-industrielle obsédée par le progrès et la perfection technologique."
Intéressant, très intéressant.
Autre artiste qui m'a tapé dans l’œil:RAKAJOOavec cette expo CEINTURE NWOAR
nwar : profondément sombre, sale contraction de noir, war (guerre, en anglais), zwaar (lourd en néerlandais)
Rakajoo est né en 1986, en 2019 il intègre l'école Kourtrajmé dans la section Arts et Images créée par l'artiste JR. En 2020, il présente une trentaine de peinture et autant de violences policières dans l'expo collective "Jusqu'ici tout va bien" déjà au Palais de Tokyo. Depuis il poursuit la réalisation de la série d'animation Kaname, en tant qu'auteur-réalisateur. Il publie en janvier 2024 la bande dessinée "Entre les cordes" et en parallèle il mène une carrière de boxeur olympique...
"Au Palais de Tokyo, pour sa première exposition personnelle institutionnelle, Rakajoo explore différentes temporalités et géographies affectives. Il étire leurs limites et modifie les focales pour ouvrir de nouvelles perspectives. Composant son espace d’exposition en suivant les mouvements du corps dans un ring de boxe, le public se déplace en longeant les murs, attentif à ce qui se joue devant, derrière au-dessus ou à nos pieds, dans la lumière ou la pénombre..."
"Rakajoo s'interroge sur l'absence de représentation de son histoire dans les lieux où l'art institutionnalise. Biberonné au Club Dorothé, à Pitou, l'enfant roi et à Dragon Ball Z. L'artiste observe les animés japonais, épuise la cinématographie de Wesley Snipes, saigne la discographie de Notorius B.I.G. et des années fastes du Hip Hop de 1990-2000 il découvre les peintres Kerry James Marshall, Jacob Lawrence et Jérôme Lagarrigue." etc etc. Je vous laisse lire la suite sur l'image.
Très touché par les tableaux de Rakajoo, j'y vois les perspectives appuyées des mangas, les couleurs vives que j'ai vu en Afrique mais pas seulement, aussi les couleurs des années 70-80, et puis touché par la "clarté ? clairvoyance ? "des scènes de la rue. Très belle promenade que cette expo !
Rakajoo signifie tête de mule, têtu en wolof, langue la plus répandue au Sénégal, pays d'origine de sa famille.
Artiste à suivre donc avec obstination et fidélité et à n'en pas douter ouaip, j'aimerais bien voir la suite.
Voilà. Sinon il y avait d'autre choses intéressante mais le billet serait trop long et on se lasse, on se lasse ...