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mercredi 9 octobre 2024

BONNARD JAPONARD.

 Pour notre sortie mensuelle cousinale, après un excellent resto, nous somme retourné à l'hôtel de Caumont à Aix en Provence pour l'expo "Bonnard et le Japon"

Je ne suis pas particulièrement fan de Bonnard, et j'avais donc envie qu'il me séduise. Ce thème du Japonisme m'attirait donc bien. 

Les exposants supposent que le regardeur entrant dans l'expo a de quelques notions de l'histoire de l'art. Il faut donc souligner que Bonnard, comme d'autres artistes tels que  Whistler, Manet, Monet qui peint Camille en Japonaise, Degas, van Gogh, Tissot et sa "Japonaise au bain a succombé à ce grand vent d'exotisme qu'est le japonisme.

Mais le Japonisme qu'est-ce que c'est ?

La BNF en parle ainsi :"Le japonisme fut une mode, un engouement même, pour tout ce qui venait du Japon, en imitait le style, la manière. Mais une mode singulière qui dura près d'un demi-siècle, gagna tous les pays occidentaux depuis l’Angleterre et  la France, et dont les manifestations furent des plus contrastées. S’il produisit, en effet, ce qu'on appela tout de suite des japoniaiseries du plus mauvais goût, il est pourtant indéniable qu’il participa aussi, et de très près, à cette véritable révolution du regard que connut l'Europe entre les années 1860 et le début du XXe siècle."

Voilà. 

On peut entrer en comprenant pleinement pourquoi le Japon avec Bonnard et inversement !

Introduction murale:

A une époque où il cherche à s'émanciper de la pratique enseignée à l'École des beaux- arts, Bonnard considère les estampes japonaises comme un modèle essentiel pour son engagement sur la voie de la modernité. Il s'inspire de leurs dessins, libres de leurs couleurs vives et de leurs perspectives sans


profondeur pour créer des œuvres dans un style simplifié, dynamique et plein de gaieté.

En 1888, avec Paul Sérusier, Édouard Vuillard, Maurice Denis et Paul-Élie Ranson, il forme le premier noyau du groupe des Nabis, un mot dérivé de Neviim, « prophètes » en hébreu. Les Nabis contribuent à inventer un nouveau langage plastique stylisé avec une juxtaposition de plans colorés. Pierre Bonnard, surnommé le « Nabi très Japonard » par le critique d'art Félix Fénéon, est fasciné par la puissance des couleurs posées en aplats, sans relief ni ombre, des estampes japonaises. Il se met dès lors à utiliser des taches colorées avec des voisinages chromatiques audacieux. laissant passer une lumière venue du motif lui-même, et non plus d'une source extérieure.

En outre, l'art de l'estampe affranchit Bonnard des recettes de la perspective linéaire occidentale, basée sur l'illusion de la profondeur, et lui enseigne une nouvelle façon de représenter l'espace. Influencé également par le style calligraphique et ses lignes fluides en arabesque, Bonnard emprunte aux japonais une stylisation décorative qui sera l'une des grandes caractéristiques de sa peinture.

L'OMNIBUS Vers 1895 Huile sur toile
COLLECTION PARTICULIÈRE

La silhouette désarticulée de cette passante à la taille de guêpe semble entrainée par la rotation de l'énorme roue d'un véhicule placé derrière elle. Ce motif vu en gros plan représente, à la manière d'une métonymie, un omnibus hippomobile alors en service à Paris pour transporter les citadins. Ici le mouvement est au cœur de la représentation avec un effet d'instantanéité renforcé par la répétition des rayons de la roue. Le contraste entre la puissance de celle-ci et la fragilité de la jeune femme est renforcé par l'opposition entre le brun et le jaune, couleurs des omnibus du quartier des Batignolles où Bonnard avait son atelier.

Le visiteur déambule entre tableaux de Bonnard et Estampes de Utagawa Hiroshige. Les cartels à coté de chaque tableaux vont secourir mon petit cerveau pour comprendre ce qu'il y a de japonais dans Bonnard.

Utagawa Hiroshige
AMIS DE QUATRE SAISONS.
LE JARDIN D'HIVER
Vers 1849-50
Xylogravure polychrome
COLLECTION GEORGES LESKOWICZ

FEMMES AU JARDIN
FEMME À LA ROBE A POIS BLANCS FEMME ASSISE AU CHAT: FEMME À LA PELERINE! FEMME À LA ROBE QUADRILLÉE
1890-1891
Détrempé à la colle sur toile, panneaux décoratifs PARIS, MUSÉE D'ORSAY

En mars 1891 l'artiste fait des débuts remarqués au Salon des indépendants avec ce chef-d'œuvre de jeunesse qui était à l'origine conçu comme un paravent. Bonnard accroche finalement chaque panneau séparément car, comme il l'indique dans une lettre à sa mère : " ils vont bien mieux contre un mur. C'était trop tableau pour un paravent ".

Le caractère élancé des silhouettes est accentué par les lignes en arabesque et par le format allongé inspiré des kakémonos japonais. Le thème de la femme entourée de végétation, recurrent dans les estampes japonaises, est ici stylisé à l'extrême dans un espace sans profondeur. Ces panneaux peuvent être regardés comme un ensemble ou chaque composition se répond ou bien s'oppose, mais ils peuvent aussi bien se regarder de manière séparée. Les femmes au jardin ont parfois été interprétées comme une représentation des saisons de l'année à l'exclusion de l'hiver.



Hokusai Katsushika
SOUS LA VAGUE AU LARGE DE KANAGAWA
Série "Les trente-six vues du Mont Fuji"
Vers 1830
COLLECTION GEORGES LESKOWICZ
Fac-similé

FRANCE-CHAMPAGNE
1891
Affiche lithographiée en trois couleurs sur vélin LE CANNET, MUSÉE BONNARD

Dans cette affiche éditée en 1891, Bonnard réalise de nombreux emprunts aux graveurs de l'ukiyo-e pour dessiner sa buveuse de champagne. La mousse abondante qui s'échappe de sa coupe est traitée à la manière de l'écume de La Grande Vague, chef d'œuvre de Hokusai. En effet, pour évoquer les bulles en expansion autour de la jeune femme, Bonnard laisse en réserve le blanc de la feuille de papier comme l'avait fait le grand maître Katsushika Hokusai (1760-1849) pour évoquer le bouillonnement de cette vague monumentale de tsunami.




CINÉTISME
BOULEVARD DE CLICHY 1911
Huile sur toile
Collection Raphaël Schmit
"Comme les artistes japonais, Bonnard utilise toutes sortes de subterfuges pour traduire le mouvement et le déplacement dans l'espace. Sa manière de saisir la marche des passants dans les rues, ou le pas des 
patineurs sur la glace, repose sur la décomposition du mouvement.
Il utilise non seulement des gros plans, mais joue également de l'enchaînement des vides et des pleins et de l'absence de plan médian, qui nécessite dès lors que l'œil du spectateur reconstitue la narration. Le procédé du motif coupé au bord de la toile ou de la feuille quand il s'agit d'une gravure, largement utilisé dans les estampes, est par ailleurs très apprécié de Bonnard car il suggère un mouvement qui s'étend hors-champ.
Les cadrages insolites peuvent être également rapprochés d'instantanés photographiques, une technique pratiquée par l'artiste avec son appareil Pocket Kodak. Bonnard, en tant que contemporain de la naissance du cinématographe, est fasciné par l'image en mouvement et fera de sa représentation un élément essentiel de son art."




Utagawa Hiroshige
LA COLLINE KINOKUNIZAKA ET L'ÉTANG TAMEIKE A AKASAKA
AVEC UNE VUE LOINTAINE
série "Cent vues célèbres d'Edo" Vers 1857
Xylogravure polychrome
COLLECTION GEORGES LESKOWICZ


1/ POISSONS DANS UN BASSIN OU LE BASSIN D'AGENOR
Vers 1943
Huile sur toile
COLLECTION PARTICULIERE

2/ NU À LA LUMIÈRE
1908
Huile sur toile
MAN MUSÉE D'ART ET D'HISTOIRE VILLE DE GENÈVE LEGS VASSILY PHOTIADES, 1977

3/ FLEURS SUR UN TAPIS ROUGE
AU CANNET
1928
Huile sur toile
LYON, MUSÉE DES BEAUX-ARTS, LEGS JACQUELINE DELUBAC, 1997

4/ NU CONTRE LA BAIGNOIRE
vers 1930
Aquarelle sur traits de crayon COLLECTION PARTICULIÈRE


TERRASSE DANS LE MIDI
Vers 1925
Huile sur toile
GRENGELL FONDATION GLEN



Celle-ci m'a bien plu:

CONVERSATION PROVENÇALE
1911, retravaillé en 1927
Huile sur toile
PRAGUE NATIONAL GALLERY
"Les deux personnages au premier plan servent de faire-valoir à un décor méditerranéen vu des hauteurs de Grasse. A gauche se tient le peintre Josef Pankiewicz (1866-1940), un artiste d'origine polonaise que Bonnard a rencontré en 1908. Derrière une table de style chinois en laque rouge, se trouve une jeune femme blonde, Marthe probablement, à demi étendue sur le sol. Le duo mystérieux ne se regarde pas et tourne le dos à la vue sur la mer. Ici la juxtaposition entre la terre et l'eau est composée à la manière japonaise à l'aide d'un étagement de plans sous la forme de bandes horizontales colorées. En regardant longuement les œuvres de Bonnard, des surprises se révèlent comme les petits chats à la gauche de la scène."

Celle-là aussi d'ailleurs :


BAIGNEURS À LA FIN DU JOUR
Vers 1945
Huile sur toile
LE CANNET, MUSÉE BONNARD
"Ce tableau célèbre le plaisir de l'eau après une chaude journée d'été. La composition s'organise en bandes horizontales de couleurs fondues ou contrastées où la mer occupe la majeure partie de la toile. Eclairés par les derniers feux du couchant, les baigneurs sont réduits à des taches lumineuses jaune et rouge orangé. Dans le cercle chromatique, ces teintes s'opposent au bleu outremer et au vert émeraude. Placées côte à côte, elles se renforcent mutuellement donnant une luminosité intense à cette composition qui a appartenu au célebre critique et éditeur d'ouvrages d'art Téríade."



Et le dernier, mon préféré:


L'AMANDIER EN FLEURS
vers 1930
Huile sur toile
LE CANNET, MUSEE BONNARD, DON DE LA FONDATION MEYER

"Bonnard confie que l'amandier de son jardin, qui est le premier arbre à fleurir à la sortie de l'hiver, lui donne << la force de le peindre chaque année ». Planté au fond du jardin du Cannet, où il se trouve encore aujourd'hui, l'amandier en fleurs est la sentinelle du retour du printemps. La mousse blanche des fleurs, qui occupe toute la hauteur du tableau témoigne de la vitalité de la nature. L'arbre se détache sur un ciel d'azur, où l'air circule entre les branches, apportant un sentiment de paix et d'harmonie. En 1930, l'année de l'exécution de cette toile, la peinture de Bonnard atteint sa plénitude."


Et voilà, terminé le billet ! J'espère qu'il n'a pas été trop long, mais surtout que l'expo a pu vous expliquer cette facette japonisante de Bonnard, et que celui-ci a su, comme moi, vous séduire par ses couleurs.

à + !

mercredi 2 octobre 2024

UN LIEVRE DANS LA BIBLIOTHEQUE DE MON FILS.

 Scrutant la bibliothèque dans l'entrée chez mon fils, je lui parle de mes derniers livres lus, trouvés plaisants mais sans plus, (le dernier de Joël Dicker et celui de Sylvain Tesson) et donc pas certain qu'il m'en subsiste quelques réminiscences d'ici quelques temps.

Il me dit alors eh bien tiens, il y en a un que tu devrais lire car moi, il m'a particulièrement plu: Le Lièvre aux Yeux d'Ambre.
 Le Lièvre aux Yeux d'Ambre de Edmund De Waal est paru en France il y a un petit moment déjà: en 2015  et, peut-être cela va vous parler, était paru auparavant en 2011 sous le titre "La mémoire retrouvée".

Et en effet, celui-ci m'a passionné. Alors. Je ne suis pas un littéraire, mais rien de mieux s'avère à mes yeux que de transmettre ce discret plaisir du partage entre mon fils et moi à mon entourage et dans ce petit blog.

L'auteur, Edmund De Waal, descendant de la famille Ephrussi, les Ephrussi d’Odessa vous connaissez ?  Qui ont fait immensément fortune dans le blé ukrainien et qui au XIXe siècle ont déménagé en Europe de l'ouest, investissant dans la banque et établissant des antennes à Vienne et à Paris. Rappelez-vous mon billet sur la baronne Charlotte Béatrice Ephrussi de Rothschild, mariée à Maurice Ephrussi. (lien) 


Empruntée à Wiki
  • Les netsuke sont de petites sculptures japonaises, originaires du 17ème siècle, initialement utilisées comme fermoirs pour les inrō, des boîtes portées avec le kimono.
  • Ils sont souvent ornés de motifs représentant des animaux du zodiaque, des créatures du folklore japonais, et d'autres thèmes culturels, devenant ainsi des objets d'art raffinés.
  • Bien que leur usage ait diminué avec la fin du port quotidien du kimono, les netsuke sont aujourd'hui très recherchés par les collectionneurs et admirés pour leur artisanat exceptionnel. (I.A.Qwant)

De Waal raconte à l'occasion de l'héritage de 264 netsuke leur parcours à travers le monde mais aussi à travers l'Histoire car nous allons remonter jusqu'au temps de leur acquisition par Charles Ephrussi, fascinant personnage.

De celui-ci grand collectionneur et contemporain de l'époque du japonisme dans cette fin du XIXe, l'auteur va dresser un formidable portrait et témoigner du fait qu'il fut le modèle de Swann de Proust.

Proustien avant l'heure ?
Je ne pense pas. Mais par l'intermédiaire de Charles, nous allons suivre, de loin certes, les débuts de Proust dans la société de l'art:

"Proust, nouvellement introduit dans son cercle, a pris l'habitude de lui rendre visite, grisé à la fois par sa conversation spirituelle, la mise en scène de ses trésors et sa place éminente dans la société. Charles connaît suffisamment le jeune homme avide de mondanités pour lui conseiller de ne pas s'attarder à un dîner après minuit, car ses hôtes sont morts de fatigues."

Ou encore :

"A l'instar de Laforgue, Proust lui soumet ses premiers écrits sur l'art , et reçoit de sévères critiques avant de se faire engager. Proust se lance dans une étude sur Ruskin. La préface de sa traduction de la bible d'Amiens est dédiée à "Charles Ephrussi, toujours aussi bon avec moi" "


Enquête passionnante.
De Waal va, par des allers et retours entre passé et présent, nous emmener dans son enquête passionnante du parcours de ces netsuke et nous confier ses découvertes, ses doutes mais aussi ses appréhensions sur ce qu'a vécu sa famille et la façon dont elle traversa 
l'Histoire,
l'antisémitisme,
les guerres, 
et décrit avec force détails la vie de quelques personnalités tel, donc, son grand oncle Charles. 

L'Histoire puisque nous allons voir défiler les grands évènements vécu par sa famille depuis le XIXe.

C'est à la fin du XIXe qu'apparait cette singulière attirance pour le Japon, ce qu'on a appelé "le japonisme" : le monde parisien se jette sur les "japonaiseries" importées à tout va, les Rothschild, les Camondo, les Goncourt, Fantin-Latour, Whistler, Manet, Monet qui peint Camille en Japonaise, Degas, van Gogh, Tissot et sa "Japonaise au bain"  pour ne citer que ceux-ci et Odette de Crécy qui reçoit Swann en kimono dont De Waal reprend la scène :

"En arrière-plan, les éventails éparpillés sur le mur font penser à un feu d'artifice de Whistler. Une espèce de morceau de bravoure pour le peintre, comparable au passage de "Du coté de chez Swann" où la demi-mondaine Odette de Crécy reçoit Charles Swann en kimono, dans un salon décoré de coussins en soie, de paravents japonais et de lanternes, et où flotte le lourd parfum des chrysanthèmes, exemple parfait de japonisme olfactif."

Charles Ephrussi bien sûr est de la partie; il acquiert une collection de 264 netsuke. 

L'antésémitisme :  les Ephrussi sont juifs et ne seront pas épargnés, les juifs commencent à être dénigrés dès les années 1880. Des scandales apparaissent impliquant des affairistes d’origine juive, les Goncourt jugent que les salons sont " infestés de Juifs et de Juives " et puis arrive l'affaire Dreyfus en 1894. 

L'engouement pour le japonisme perd de sa vigueur et Charles offre sa collection à son cousin Viktor qui réside à Vienne. Nous la suivrons donc en Autriche.

La guerre. De Waal raconte. La montée du nazisme, la guerre 1914, les juifs dépossédés, déportés, De Waal raconte.

Ce n'est que le début. A vous de lire. Je m'arrête là, je ne voudrais pas divulgâcher cette passionnante histoire du périple des ces netsuke.


Merci Juju.
A + !


Si vous voulez en savoir plus sans lire le livre :