Cette virée en Bretagne m'a fait prendre un peu de retard dans mes billets (il faut bien trouver un coupable) et c'est maintenant que je termine celui-ci commencé il y a deux mois... De toute façon l'expo était éphémère tout comme l'année dernière et donc vous n'auriez pas pu y aller postmodo.
Cette exposition éphémère est l'aboutissement d'un séminaire de trois jours à l'IMPGT ( Institut de Management Public et Gouvernance Territoriale) de l'Université d'Aix-Marseille:
Et ce sont donc 70 étudiants en Master 2 qui ont participé à ce séminaire. Durant 3 jours, ils ont exploré l’improbable à la manière d’artistes pour exprimer différemment leur vision de l’action publique en réalisant "une œuvre d’art contemporain qui fait pleinement sens pour eux" et "l’œuvre doit être une « pensée visuelle » (Bertrand Lavier) qui interroge ce qui est." pour reprendre les mots de la présentation.
Le Séminaire Improbable,
Innovation pédagogique créé par Sylvain Bureau, Docteur de l'Ecole Polytechnique et professeur à l’ESCP Business School et Pierre Tectin, artiste plasticien, Directeur Artistique de l’Art Thinking Network.
Alors, alors bon c'est quoi l’Art Thinking ? Art Thinking est une approche de résolution de problèmes, de créativité et d’innovation qui s’inspire des processus et des pratiques des arts. Il s'agit d'utiliser des méthodologies et des mentalités artistiques pour relever des défis, penser de manière créative et explorer de nouvelles perspectives en s'appuyant sur l'exploration des idées par l'intuition, l'expression et l'imagination. L'Art Thinking est donc une méthode, plus de détails sur le site clic! à METHOD et reclic! à WORKSHOP .
Les ateliers d'Art Thinking visent à stimuler la créativité et à offrir de nouvelles perspectives sur l'art contemporain.
Chef Pesos
Et c'est une expo qui interpelle forcément. Sur une quinzaine d'œuvres d'art je vous en propose quatre dont la première ci-dessus.
Vous avez peut-être entendu ce que certains rapports révèlent: des conditions de travail dangereuses que des employés d'Amazon subissent, avec des blessures fréquentes et même des décès signalés. (cadences de travail pénibles, temps de pause raccourci, salariés pour moitié intérimaires).
Alors, ce "Guide de satisfaction employé" dont on voit ci-dessus la couverture, et où il est noté en bas "Amazon recueille les avis de ses employés sur leur bien-être au travail", ne peut qu'interpeler:
- Couleur noire de la couverture très engageante !!
- Appellation " Guide" et non "Recueil", insinuant que l'employé se doit de suivre des directives et non de noter son avis.
- Détournement du logo Amazon, ce sourire est retourné présentant une moue et la flèche vers la gauche, retour en arrière vers un passé où les salariés subissaient ces même mauvaises conditions.
La seconde œuvre. Et si c’était Aix ? Du communautarisme au syncrétisme.
Cette seconde création interpelle et même déconcerte : Demander aux regardeurs, principalement des étudiants, d'imaginer la ville où ils étudient, Aix-en-Provence, partagée par une résolution de l'ONU, en quartiers ONU, Juif, Musulman et Chrétien. Et leur demander de modifier ces frontières en déplaçant ou ajoutant un caillou. La demande est dérangeante, après le premier malaise de voir sa ville subissant les même contraintes que Jérusalem, il faut, avec la pression psychologique d'être observé, agir.
La troisième œuvre. Le torche lois
Cette troisième œuvre que je vous montre entre plutôt dans la caricature, mais pas tant que cela à vrai dire.
Un homme public, ici un élu,
discourt éloquemment et
dans un geste impromptu
se mouche bruyamment
dans une page arrachée
dans la Constitution de la République Française.
L'étudiant répète le scénario en l'interrompant pour discuter avec le public. Un cartel explique le pourquoi : Désirs inconséquents des politiques de modifier la Constitution i.e. les déclarations du Ministre de l'Intérieur, Mr Retailleau voulant mettre fin à l'automaticité du droit du sol.
Quatrième création: Compétition mortelle, l'écartèlement de l'étudiant
Installation (radiateur, vernis, ficelle)
La loi NOME, adoptée en 2010, visait à introduire une concurrence plus équitable entre les fournisseurs d'énergie. Cependant, les directives européennes, qui imposent l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz à la concurrence, ont également conduit à une augmentation des prix. L'Observatoire de la Vie Étudiante (OVE) souligne dans ses rapports qu'en 2023, près de 30 % des étudiants déclaraient ne pas avoir suffisamment d'argent pour couvrir leurs besoins essentiels, en grande partie à cause de l'inflation et de la hausse des coûts, notamment ceux de l'énergie.
Cette œuvre dénonce l'impact de ces hausses sur les étudiants. Entre toutes ces lois, toutes ces obligations et tous ces fournisseurs : le radiateur, représentant les étudiants, se voit être écartelé par ces derniers et se vider de toute son âme.
Le coté artistique est ici très réussi.
Vous l'avez vu, l'Action Publique est au cœur de ces travaux; questionnement sur l'efficacité du Code du Travail, de la Charte des droits fondamentaux et même du droit social avec Amazon, à penser différemment d'une orientation vers le syncrétisme indispensable avec Aix, l'interpellation quant aux dangers de révisions inconséquentes de la Constitution, la prise de conscience de la précarité des étudiants avec ce pauvre radiateur. Et tout ça avec une touche esthétique incontestable : je me suis régalé.
Petite réflexion: au départ je n'avais pas prévu de mettre des photos, collant ainsi au coté éphémère mais j'ai pu voir ces œuvres sur le FB de l'IMPGT, rien n'est plus ouvert et partagé que FB et donc pensé que la diffusion de quelques unes de ces photos ajoutées aux miennes dans ce billet n'entacherait pas l'éphémérité de l'évènement.