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mercredi 6 décembre 2023

L' ANECDOTE. Le modeste petit tableau parmi les milliers d'oeuvres d'art.

L'anecdote. Au cours d'une visite, d'un voyage, dans un livre, un film il y a toujours quelque chose qui saute aux yeux, un petit quelque chose qui vous interpelle et ce petit rien, ce contrepoint, cette anecdote qui n' a quelquefois rien à voir avec le reste, s'imprime dans la mémoire.

L'anecdote se déniche partout, au détour d'une ruelle à Barcelone (Lien), ou dans une riche villa comme la villa Ephrussi de Rothschild, où on y trouve des milliers d'objets d'art, meubles de toutes sortes provenant autant de palais, de châteaux royaux que d'ateliers d'artistes ou de salles des ventes internationales, de différents siècles et de différentes disciplines en commençant par l'archéologie: on y trouve de bien belles choses.

Notamment, un petit cadre superbe mettant en valeur une aquarelle de Gustave Moreau oh cela semble anecdotique au vu de l'immensité du reste mais quel bel œuvre et quel charme en émane ! Et puis à l'époque actuelle, quel thème intrigant que le soir et la douleur !


Gustave Moreau s'est inspiré d'un poème éponyme de Paul Bourget, Le Soir et la Douleur.

« La Douleur dit au Soir: "Oh viens, toi que j'appelle,
Toi le seul qui jamais, jamais ne m'a fait mal..."
Et le Soir, souriant et pâle, vient vers elle
Sur l'escalier du ciel occidental.
Le Soir à la Douleur soupire: "Mon Aimée..."
Il la prend par les mains, la force à s'asseoir,
et comme elle se sent intimement charmée
Par la caresse apaisante du Soir !
Le Soir dit: "Mon Aimée, entends mourir le monde
Et se taire la voix de ces hommes cruels,
Et s'approcher la Nuit, ta sœur triste et féconde,
Les bras chargés de lis surnaturels..."
La Douleur au beau Soir répond : "J'ai peur de l'ombre
Comme j'ai peur de l'homme et du jour obsesseur.
J'ai peur de ces milliers de regards du ciel sombre,
Je t'aime, toi, pour ta morne douceur."
Mais le Soir n'entend plus cette plainte.
Il se lève, Il voudrait embrasser l'Aimée, il ne peut pas.
Il est déjà lointain et vague, comme un rêve.
Et la Douleur reste seule ici-bas. >>

Elle est magnifiquement fine dans le détail, la délicatesse du Soir, le regard absent de la Douleur, le clair obscur un peu rosé du jour tombant, les reflets de l'eau...

Si on était plus terre à terre, si on sortait du symbolisme bourgetien, si, n'ayant pas le bagage littéraire d'un universitaire tout comme moi quoi, si on se disait donc: le Soir n'est-il pas le déclencheur de la Douleur ? ce qui serait paradoxal vu qu'il arrive pour tenter de la consoler.

N'avez vous jamais ressenti, quand la lumière du jour décline, une bouffée soudaine et trouble qui vous pénètre l'esprit et vous pousse au mieux  dans une contrariété, ou davantage une mélancolie, ou même au pire dans une douleur vous prenant au ventre, vous attrapant les boyaux pour en faire un nœud gros comme ça. Alors ? dites moi qui provoque cela ? On pourrait croire que c'est le soir lui-même qui apporte cette dégradation, ou bien n'est-ce pas la pause que l'on s'accorde à nous-même à cet instant de la journée, ayant terminé nos activités, nous retrouvons inactifs, et posés, assis, inactifs, las, nous pensons alors à nous-même, aux tâches du lendemain, aux inquiétudes des enfants, aux disparus qui nous manquent, au regard obsédant des autres sur nous et qu'en faire, etc.
Le soir adoucit cet instant ? donc apparait comme bienveillant ? il te dit regarde, c'est la fin du jour et le sommeil te mènera à une autre belle journée ! alors là soit tu le regarde avec gratitude ou soit tu le maudis parce que tu es insomniaque ... Dans le texte accompagnant l'aquarelle on peut y lire : "Moreau a choisi ici les retrouvailles du Soir et de la Douleur l'instant où la douceur l'emporte sur le temps" En fait le soir n'est pas une promesse, ni une sentence. C'est une caresse qu'il faut juste profiter à l'instant présent, ne pas la faire durer, elle va se dissoudre dans l'obscurité, ne pas la laisser infuser ses obstinations crépusculaires, et se mettre devant un bon repas, un bon bouquin ou un bon film ! Bougez.

Gustave Moreau
(1926-1898)
Le Soir et la Douleur
Aquarelle H. 367: L. 198 mm - Slanée en bas à gauche: Gustave Moreau - Saint Jean-Cap-Ferrat, Académie des beaux-arts, Villa Ephrussi de Rothschild, EdR 1601 - Provenance Sans doute Mme Kann en 1885; Émile Straus (1844-1929), sa vente après décès, Paris, galerie Georges Petit, 3 et 4 juin 1929. no 19, acquis par Béatrice Ephrussi de Rothschild (1 864-1934), légué en 1934 à l'Académie des beaux-arts. 



Ouaip ! je viens de relire mon texte. Eh bien c'est pas bien drôle tout ça, faut surtout pas finir par ça ce soir , moi je vais chercher une bonne recette de lasagnes, la mienne est un peu "collante".

 A + !





6 commentaires:

  1. Un petit tableau qui supplante les grands dans la mémoire un détail dont on se souvient...parfois longtemps après. Pas forcément le plus célèbre ou le plus valeureux
    Un clin d'œil.
    Pour les lasagnes j'en fais de réussies avec les feuilles vertes des blettes et du mascarade et une couche de tomates pour le goût

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    1. mascarpone bien sûr! le correcteur d'orthographe est farceur

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    2. C'est bien vrai. Un clin d'œil, ce détail qui cligne juste devant vous, inattendu. Merci d'être passée Miriam, tes lasagnes sont originales ! c'est sûr que les pâtes ne boivent pas toute la sauce si tu les a supprimées ! Mais est-ce donc des lasagnes ? ou bien un petit plat dont on se souvient, un détail parmi tant d'autres recettes, une anecdote... ;)

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    3. Mascarpone oui, en relisant je me demande si tu fais la pâte fraiche en y ajoutant les feuilles de blettes, si tu ajoutes les blettes aux pâtes achetées dans le commerce, ou si tu as complètement supprimées les pâtes...d'où ma première réponse.

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  2. Un post, celui-ci, que j'ai savouré de la première à la dernière ligne, en passant par ce superbe petit tableau dont j'ai eu du mal à en détacher le regard et l'esprit, et que tu as su parfaitement décrire en moins de deux lignes.

    Ensuite tu dis:
    "le Soir n'est-il pas le déclencheur de la Douleur ? ce qui serait paradoxal vu qu'il arrive pour tenter de la consoler."
    Et voilà que je viens de découvrir encore quelque chose de paradoxal, c'est à dire que Paul Bourget (dont j'ignorais mème l'existence) est mort un 25 décembre : le jour plus que tous consacré à la naissance.

    Quant à tes considérations sur la question soir-douleur / soir-consolation, je les ai trouvées très intéressantes. Pour ce qui me concerne je dirais que le soir est le bienvenu, comme le matin et l'après-midi d'ailleurs ; et la nuit aussi, mais là il y a pour moi un còté un peu inquiétant qui est lié à l'obscurité, au noir total que la nuit va apporter et que je ne peux pas m'empècher de comparer et en quelque sorte confondre avec l'arrivée de la mort, de fait que par instants la seule idée de ce noir qui descend a sur moi un effet profondement effrayant. Et pourtant, si l'on veut rester dans les paradoxes, la mème nuit qui symbolise le néant obscur et donc la mort c'est celle qui apporte le doux moment du s'endormir, tout comme l'incommensurable bonheur des rèves !

    De toute façon, cher Philff... encore et encore, d'anecdotes comme ça !

    Je te souhaite un bon week-end.
    siu

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    1. Merci Siu pour tes compliments, ça me touche. Je ne savais pas pour Paul Bourget, c'est une drôle de date pour mourir, tu as raison! dis donc tu as beaucoup lu en détail pour avoir déceler ce détail !
      Le matin l'après-midi, le soir et la nuit sont bienvenus chez toi !! Que peux t-on avoir de plus positif que cela ! Bravo !
      Effectivement, et comme tu l'écris, l'obscurité peut inquiéter, et je me demande si, finalement, je pense que si le Soir est déclencheur de la Douleur, c'est tout simplement parce qu'il est annonciateur de la nuit. Je te souhaite donc de beaux rêves ;)

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