Passez de bons moments de fin d'année en famille ou devant la télé, on se retrouve l'année prochaine !
A + !
Quelques billets: Voyages d'abord et partage d'opinions, de photos, bouquins, et les oliviers !
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Arrêt à La Spezia.
La météo n'est pas avec nous: on s'est dit qu'il serait opportun d'aller quelque part à l'abri ! Nos pas nous dirigent naturellement vers l'imposant château San Giorgio et ses massives murailles, la pluie ne nous quitte pas, la route grimpe drôlement et dans un virage nous voyons un ascenseur oblique qui nous permet d'accéder plus rapidement en haut et au sec :)Le musée n'est pas très grand peut-on dire pour être gentil mais assez pour contenir pas mal d'objets quand même. Il abrite (outre les deux pingouins tout mouillés que nous sommes) de belles collections archéologiques de la région autour de La Spezia.
Commençons par l'âge de cuivre avec ces statues-stèles. La tablette à disposition, intitulée "Les Statues-Stèles De La Lunigiana" nous apprend, entre autres que, découvertes dans le bassin du fleuve Magra, le corpus de ces monuments comprend presque 70 stèles qui témoignent de la naissance et de
l'épanouissement de leur production à l'âge du cuivre 4e 3e millénaire avant Jésus-Christ ainsi que de sa reprise après une probable solution de continuité à l'âge du Fer, 19 de ses originaux sont conservés au musée.
Deux grands groupes l'un plus ancien et plus considérable se subdivise en trois types de représentations anthropomorphes: un masculin indiqué par la présence d'un seul poignard accompagné d'une hache plate, un second féminin signalé par le sein plus ou moins marqué et parfois des colliers et gorgerettes enfin un type dépourvu d'attribut et par conséquent considéré comme asexué peut-être une métaphore indiquant un individu ou rôle social encore indifférencié typique d'un enfant ou d'un adolescent.
- Hé bonjour René !
- Hé bonjour Phil ! On fait quoi ce matin ?
Ah le petit tour , par le pont de l'autoroute et le petit chemin si tu veux? Le petit tour, j'ai les olives.
- OK va pour les 8 km.
- Alors tes olives ? t'en es où ? ah non tourne à gauche Phil, ça va être boueux dans le petit chemin.
- Oui mais ça rallonge un peu. Eh bien fini ! ...petite récolte... 160 kg...pas mieux et ça me suffit bien, ça me suffit bien... et toi ?
- Té ! Une tonne deux, une tonne trois... Et si on descendait par le chemin du paysan ?
- Oui mais ça rallonge encore un peu. J'dis ça moi c'est pour toi. Pour tes olives.
- Vé restent juste ceux-là en bas de ma campagne, 5 ou 6 arbres et encore ils sont pas pleins, juste pour finir, c'est pas pour le poids d'olives que ça va donner ... enfin, c'est pour dire que je termine ... juste pour dire.
- Oui et le mois prochain on commence la taille...
L'anecdote. Au cours d'une visite, d'un voyage, dans un livre, un film il y a toujours quelque chose qui saute aux yeux, un petit quelque chose qui vous interpelle et ce petit rien, ce contrepoint, cette anecdote qui n' a quelquefois rien à voir avec le reste, s'imprime dans la mémoire.
L'anecdote se déniche partout, au détour d'une ruelle à Barcelone (Lien), ou dans une riche villa comme la villa Ephrussi de Rothschild, où on y trouve des milliers d'objets d'art, meubles de toutes sortes provenant autant de palais, de châteaux royaux que d'ateliers d'artistes ou de salles des ventes internationales, de différents siècles et de différentes disciplines en commençant par l'archéologie: on y trouve de bien belles choses.
Notamment, un petit cadre superbe mettant en valeur une aquarelle de Gustave Moreau oh cela semble anecdotique au vu de l'immensité du reste mais quel bel œuvre et quel charme en émane ! Et puis à l'époque actuelle, quel thème intrigant que le soir et la douleur !
Gustave Moreau s'est inspiré d'un poème éponyme de Paul Bourget, Le Soir et la Douleur.
« La Douleur dit au Soir: "Oh viens, toi que j'appelle,
Toi le seul qui jamais, jamais ne m'a fait mal..."
Et le Soir, souriant et pâle, vient vers elle
Sur l'escalier du ciel occidental.
Le Soir à la Douleur soupire: "Mon Aimée..."
Il la prend par les mains, la force à s'asseoir,
et comme elle se sent intimement charmée
Par la caresse apaisante du Soir !
Le Soir dit: "Mon Aimée, entends mourir le monde
Et se taire la voix de ces hommes cruels,
Et s'approcher la Nuit, ta sœur triste et féconde,
Les bras chargés de lis surnaturels..."
La Douleur au beau Soir répond : "J'ai peur de l'ombre
Comme j'ai peur de l'homme et du jour obsesseur.
J'ai peur de ces milliers de regards du ciel sombre,
Je t'aime, toi, pour ta morne douceur."
Mais le Soir n'entend plus cette plainte.
Il se lève, Il voudrait embrasser l'Aimée, il ne peut pas.
Il est déjà lointain et vague, comme un rêve.
Et la Douleur reste seule ici-bas. >>
Elle est magnifiquement fine dans le détail, la délicatesse du Soir, le regard absent de la Douleur, le clair obscur un peu rosé du jour tombant, les reflets de l'eau...
Si on était plus terre à terre, si on sortait du symbolisme bourgetien, si, n'ayant pas le bagage littéraire d'un universitaire tout comme moi quoi, si on se disait donc: le Soir n'est-il pas le déclencheur de la Douleur ? ce qui serait paradoxal vu qu'il arrive pour tenter de la consoler.
N'avez vous jamais ressenti, quand la lumière du jour décline, une bouffée soudaine et trouble qui vous pénètre l'esprit et vous pousse au mieux dans une contrariété, ou davantage une mélancolie, ou même au pire dans une douleur vous prenant au ventre, vous attrapant les boyaux pour en faire un nœud gros comme ça. Alors ? dites moi qui provoque cela ? On pourrait croire que c'est le soir lui-même qui apporte cette dégradation, ou bien n'est-ce pas la pause que l'on s'accorde à nous-même à cet instant de la journée, ayant terminé nos activités, nous retrouvons inactifs, et posés, assis, inactifs, las, nous pensons alors à nous-même, aux tâches du lendemain, aux inquiétudes des enfants, aux disparus qui nous manquent, au regard obsédant des autres sur nous et qu'en faire, etc.
Le soir adoucit cet instant ? donc apparait comme bienveillant ? il te dit regarde, c'est la fin du jour et le sommeil te mènera à une autre belle journée ! alors là soit tu le regarde avec gratitude ou soit tu le maudis parce que tu es insomniaque ... Dans le texte accompagnant l'aquarelle on peut y lire : "Moreau a choisi ici les retrouvailles du Soir et de la Douleur l'instant où la douceur l'emporte sur le temps" En fait le soir n'est pas une promesse, ni une sentence. C'est une caresse qu'il faut juste profiter à l'instant présent, ne pas la faire durer, elle va se dissoudre dans l'obscurité, ne pas la laisser infuser ses obstinations crépusculaires, et se mettre devant un bon repas, un bon bouquin ou un bon film ! Bougez.
Gustave Moreau
(1926-1898)
Le Soir et la Douleur
Aquarelle H. 367: L. 198 mm - Slanée en bas à gauche: Gustave Moreau - Saint Jean-Cap-Ferrat, Académie des beaux-arts, Villa Ephrussi de Rothschild, EdR 1601 - Provenance Sans doute Mme Kann en 1885; Émile Straus (1844-1929), sa vente après décès, Paris, galerie Georges Petit, 3 et 4 juin 1929. no 19, acquis par Béatrice Ephrussi de Rothschild (1 864-1934), légué en 1934 à l'Académie des beaux-arts.