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lundi 5 avril 2021

Une Pinacothèque Frettoise

 "Si quelqu’un pourtant veut voir aux environs de Paris un coin de paysage tout particulier, unique, inconnu, je lui indiquerai le pays des lilas, le coteau de la Frette..."

Ainsi commençait l'article de Guy de Maupassant paru dans Le Gaulois du 29 avril 1881 à propos de ce village qu'était La Frette sur Seine.

Cette petite agglomération coincée entre Herblay, Montigny et Cormeilles est toute ouverte sur la Seine, et les maisons à flancs de coteaux bénéficient d'une vue extraordinaire sur le fleuve et ses rives. Encore si calme et si paisible pourtant si proche de Paris, elle a séduit toutes celles et tous ceux qui s'y sont promené.


La lumière au fil des saisons module les couleurs de la végétation, des arbres en contraste avec les toits rouges. 
Les péniches brisant le miroir autour d'elles en vagues successives font naître des scintillements et des reflets chamarrés réveillant l'eau sombre du fleuve.
Bref, tout ça pour dire que ce n'est pas par hasard que nombres de peintres ont joué du pinceau sur les rives ou dans les rues. Et leurs témoignages sont tout autant nombreux: Antoine Barbier, Charles Camoin, Charles-François Daubigny, Tadashi Kaminagai, Lucien Pissaro, Maurice de Vlaminck, etc.
Et aussi ceux qui y ont carrément vécus:  Anne-Pierre De Kat, Alfred Marie Le Petit et Alfred Marquet ! Avec cette brochette si prestigieuse, il fallait pas moins que pour le revendiquer de l'afficher ! 
Et la ville depuis longtemps l'a fait. 
Voici donc.

Commençons par la place de la gare, là où vivait Théo Sarapo, où son père avait 
un salon de coiffure, avant bien sûr de devenir  l'époux d'Edith Piaf.

Quelle impression d'être là où Tadashi Kaminagai s'est tenu ! 


Magnifique toile d'Eugène Paul dit Gen Paul ! Peintre, graveur, il fut l'illustrateur de deux romans "Voyage au bout de la nuit" et Mort à crédit" de qui vous savez, dont il fut l'ami et malheureusement proche lui aussi des milieux collabo. Mais parcourez la biographie de Gen Paul, elle en vaut la peine.

Le très joli texte de Guy de Maupassant continue ainsi:

En face du parc de Maisons-Laffitte, entre le village de Sartrouville et le hameau de la Frette, s’étend un petit coteau qui suit le cours de la Seine et s’arrondit avec le fleuve. Cette colline, toute verte le reste de l’année, semble aujourd’hui teinte en violet, et quand on se promène à son pied une odeur délicieuse et forte vous pénètre, vous grise ; car c’est là qu’on cultive tous les lilas qui embaumeront Paris dans quelques jours. On y cultive les lilas comme les asperges à Argenteuil, comme la vigne en Bourgogne, comme les blés ou les avoines en Normandie... 


  ...et Ce sont des champs en pente plantés d’arbustes, maintenus à une taille égale ; et sur toute la surface du coteau s’étend à présent une nappe de bouquets à peine ouverts, que des moissonneuses commencent à cueillir, qu’elles nouent en gerbes et envoient chaque nuit à la halle aux fleurs.





De petits chemins se perdent au milieu de ces buissons parfumés ; et parfois une épine épanouie semble une boule de neige au milieu de la côte violette. Dans quinze jours, toute la récolte sera faite et les buissons déflorés n’auront plus que leur feuillage vert où quelques grappes tardives se montreront encore de place en place.




Par un jour de soleil, rien de plus curieux, de plus charmant que ce coteau garni de lilas d’un bout à l’autre. Là seulement, ceux qui ne connaissent point le Midi, la patrie des parfums, apprennent ce que sont ces senteurs exquises et violentes qui s’élèvent de tout un peuple de fleurs semblables, épanouies par toute une contrée. Là, dans la tiédeur d’une chaude journée, on peut éprouver cette sensation rare, particulière et puissante, que donne la terre féconde à ceux qui l’aiment, cette ivresse de la sève odorante qui fermente autour de vous, cette joie profonde, instinctive, irraisonnée que verse le soleil rayonnant sur les champs ; 





























et on voudrait être un de ces êtres matériels et champêtres inventés par les vieilles mythologies, un de ces Faunes que chantaient autrefois les poètes.





vendredi 5 mars 2021

NOTRE DAME DES NEIGES la belle petite chapelle.









En partant de Montalbert, petite station de ski, il y a une charmante petite marche qui vous mène jusqu'à Montgésin, petit hameau tout simple et si tranquille.

Là, se trouve une ravissante chapelle, nommée Notre dame Des Neiges.

Le nom de la chapelle ne doit rien à son environnement montagnard, l'appellation Notre dame Des Neiges fait référence à un miracle à Rome en l'an 358, le Pape Libère aurait eu une vision de la Vierge, la nuit du 4 au 5 Août lui indiquant l'emplacement pour la construction d'un sanctuaire: le lendemain la neige (en Août) tombait sur cet endroit précis ! 




Au dessus de la porte la clé est sculptée d'une tête couronnée. A la place du visage, on distingue les lettres A et M entrecroisés (Avé Maria) et la date de 1704 (chantier du portail).






Début de construction: 1658 sur une fondation plus ancienne, elle fut  d'abord dédiée à Notre Dame de Grâce ou de Pitié, et considérée comme une chapelle à répit prodiguant le miracle de faire revenir à la vie les enfants mort-nés, le temps de les baptisés.

(Autrefois se trouvait un cimetière d'enfants autour)








A l'intérieur, contrastant avec le sobre extérieur, le décor est très raffiné fait de peintures en trompe-l'œil sur des murs impeccablement blancs.

 
Une lourde grille terminée en 1758, de plus d'une tonne séparant "le profane du sacré"  a fait l'objet d'une réquisition à la Révolution: "le 11 frimaire de l'an II, la balustrade en fer estimée à 12 quintaux est à faire parvenir au III ème bureau de l'administration" : elle n'y parviendra jamais.


On peut admirer, de l'autre coté de cette imposante grille, un retable très expressif:


Tout en haut nous avons Sainte Marguerite sortant du ventre du dragon, protectrice des femmes enceintes et des bergères.


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A sa gauche on peut voir Saint Dominique (ou Saint Bruno). Il lui manque la barre horizontale de sa croix.


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A sa droite, c'est  Saint Bernard des Alpes (†1081) avec palme du martyre et diable enchainé à ses pieds - protecteur des voyageurs et des montagnards.

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Sous St Dominique, entre deux magnifiques colonnes torses ornées de pampres de vignes (lien avec la terre et le ciel) , la statue de Ste Agathe ((†251) - Palme du martyre et seins sur un plateau - patronne des nourrices - protège des incendies.

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 Faisant le pendant à Ste Agathe, nous pouvons voir la statue de Ste Apolline (†249) - La pauvre martyrisée à laquelle on a fracassé la machoire et brisé toutes les dents avant de la lapider, tient de magnifiques tenailles enserrant une non moins superbe dent: elle est invoquée contre les maux de dent.


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Dans le tableau central, voir la photo du retable, (et cliquez dessus pour mieux voir) aux pieds de la vierge à l'enfant on y voit à gauche, St Maurice en soldat romain - patron du duché de Savoie dont il porte les couleurs. A droite, encore St Bernard, normal, il est chez lui, dans les Alpes.

Quelques ex-voto :

 Fin de la visite ! un petit lien pour quelques photos ICI

Si Notre Dame Des Neiges est si belle c'est qu'elle fait l'objet de restaurations depuis 2003, quelques infos Là 


A + !

mardi 23 février 2021

Moi j'aime bien les triptyques.(2)

 Je ne sais pas vous, dans la peinture, mais moi j'ai toujours été attiré par les triptyques. (comme je le disais déjà LA) Oui peut-être est-ce le fait que c'est "pliable" comme les livres d'enfants avec leurs grandes images, mais bon, on a tous ses petits penchants...

La Cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence recèle de nombreuses œuvres et vestiges anciens qu'il

faudrait détaillé de mille et une photos et anecdotes. 



Cependant ne m'en voulez pas : ça caille et le temps de traverser la nef, je sens déjà le froid humide, propre à ces lieux cherchant à m'étreindre malgré que je fus bien couvert. Une belle visite sera pour une autre fois, Je vous présente directement l'objet de mon passage : 




Le Buisson ardent de Nicolas Froment.


Je pourrais vous détailler le tableau moi-même si j'avais une once de talent, de culture, un soupçon d' études sur l'histoire de l'art, mais non. Donc je laisse les textes en parler ; Voici des extraits pris dans « Nicolas Froment et l'École avignonaise au XVe siècle » par Lucie Chamson ( « Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France » ou « Source gallica.bnf.fr / BnF ».)

Cet ouvrage, de la collection « MAITRES DE L'ART ANCIEN » paru en 1931, n'a pas vieilli d'un poil.
Voici.


« Le Buisson ardent, dans sa partie centrale, est consacré à la vision de Moïse, non pas telle qu'on la voit ordinairement avec Dieu dans le buisson, mais avec la Vierge à sa place. C'est là, ainsi que l'a établi M. Bouchot, la conception du Buisson ardent par les Victorins et le roi René, chanoine de Saint-Victor de Marseille, avait adopté la formule victorine.



A droite, Moïse, costumé en berger, très vénérable avec son beau visage de vieillard barbu, ôte sa sandale d'un geste familier et manifeste, par un mouvement de bras gauche, l'étonnement qui le saisit devant la vision. Son troupeau paît tranquillement près de lui. Sur un magnifique buisson de plusieurs plants de chênes verts entrelacés de feuilles de ronces et de fleurs diverses, une Vierge tranquille aux vêtements modestes tient l'Enfant-Jésus dans ses bras. L'Enfant joue avec un miroir.

A gauche de la scène, un bel ange ailé, la croix au front, dans un longue robe claire et un riche manteau, annonce l’événement à Moïse. Un vaste paysage baigné de lumière s 'étend derrière le buisson. On y voit un large fleuve, des ponts, des châteaux et des villes qui rappellent ceux de la région avignonaise, sans toutefois en donner une reproduction exacte...

...Les volets représentent à droite la reine Jeanne de Laval entourée de trois saints : saint Jean son patron ; saint Catherine, reconnaissable à la palme qu'elle tient dans la main et saint Nicolas, mitré, avec la crosse, aux pieds duquel on voit les petits enfants au saloir. Ce n'est peut-être pas sans intention que Froment a représenté ici le saint dont il porte le nom...


...Du coté gauche, le roi René fait pendant à sa femme. Coiffé d'une toque de velours et engoncé dans un collet d'hermine, il a aussi derrière lui trois saints. L'un deux, dans une brillante armure, doit être saint René ou saint Maurice, patron de l'ordre du Croissant, fondé par le roi René. Puis vient saint Antoine avec sa barbe blanche et son bâton d'ermite ; enfin sainte Madeleine qui tient le vase de parfums...


 ...Au revers, on voit une annonciation en grisaille, travail assez rapide et sans grand intérêt. Un dieu en majesté entouré d'anges, en grisaille également, se trouve dans la partie supérieure du triptyque et une série de prophètes assis sous des dais encadrent le motif central... »

C'est vrai, qu'une fois, à ma grande déception je suis arrivé devant le triptyque fermé. Mais ça ajoute du mystère quand on ne l'a pas encore vu...



Mais revenons à ce qu'en dit Lucie:

« ...Les deux figures de roi René et de sa femme sont de beaux portraits, réalistes, impitoyables, même. La reine, avec sa longue figure ingrate, et le roi, avec sa grosse tête rouge, ne sont certes pas idéalisés. Du reste, un souci de réalisme égal semble se manifester dans tout le tableau. On a reproché au Moïse trop de rudesse paysanne. C'est, au contraire, une trouvaille du peintre que d'avoir remplacé par ce vieux berger robuste le « père noble » qui figure habituellement Moïse...

...Mais le tableau ne compte pas seulement des qualités. On a souvent remarqué que tous les personnages


du Buisson sont affligés d'un fâcheux torticolis pour l'esthétique du tableau et qui leur donne une sorte de goitre. Cette déformation est particulière à Froment. Chez Quarton et les autres peintres provençaux, cette tendance à incliner la tête des personnages n'est pas plus accentuée que dans les écoles des autres pays...







...L'influence des maîtres flamands est encore très visible dans ce Buisson. On la sent surtout dans la figure de l'ange. Avec sa joliesse maniérée, sa chevelure délicate, son beau costume, cet ange semble découpé dans une œuvre de Van Eyek.
».












Voilà nous avons fait un beau petit tour de ce superbe triptyque ! 

Une dernière chose peut-être au sujet du paysage. Lucie parle d'un paysage qui rappelle celui d'Avignon, car Nicolas Froment venait de là mais je trouve cela très subjectif. A mon avis, cela pourrait aussi bien provenir d'Italie ou tout autre région méditerranéenne puisse qu'il semble acquis que ce peintre se soit formé dans les années 1460 dans les Flandres et en Italie (Nicolas Froment — Wikipédia (wikipedia.org).

Lucie Chamson dit ceci: « ...L'atmosphère générale du tableau, sa lumière et le très beau paysage d'arrière-plan font, comme nous l'avons dit, penser à Avignon et nous semble être dans un coin de l'île de la Bartelasse, au milieu du Rhône, et le rocher du Buisson contribue à entretenir cette illusion... »

Une petite comparaison pour voir:

Détail du tableau


 « Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France » ou « Source gallica.bnf.fr / BnF ».

L'île de la Barthelasse vue des remparts d'Avignon:

A vous de vous faire une idée !
A + !