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mardi 24 novembre 2020

Chambord. Pour moi.

Je ne sais pas vous mais moi tout petit déjà j'entendais des personnes qui disait "ce que j'aimerais faire un jour c'est les Châteaux de la Loire !" et je m'étais dit que moi aussi, un jour, j'irai.

Bon le temps a passé et ayant visité une belle partie de la planète, avec ce confinement ce projet oublié a refait surface cet été. Ayant parcouru beaucoup de blogs qui vous les décrivent en long en large et en travers, je ne vais pas vous ré expliquer l'Histoire de France. Non non.

Juste partager avec vous quelques clichés. 

Voilà.

Oui oui je sais ! encore un énième billet sur ces châteaux ! 

                              Je sais, chaque blog en a au moins un. 

                                            Je sais, tout le monde veut partager leurs belles photos de vieilles pierres.

Mais bon. Où je les mets moi ces photos que j'ai eu plaisir à prendre ? hum ? Vous ne dites rien mais vous n'en pensez pas moins, ok ok cet article (et ceux qui suivront) seront égoïstement pour MOI !

Mais je ne vais pas les laisser là toutes seules, ces photos, non je vais les accompagner - prétentieusement - avec Cinq-Mars d'Alfred de Vigny pour que cela soit moins pesant si vous vous attardez accidentellement sur mon article. Ses textes sont en italique.

Voilà.

Chambord. Pour moi.

La construction de ce château, Chambord, commence en 1519 par la volonté de François 1er, ne sera terminé qu’en 1685, sous Louis XIV. C'est à dire que François n'en a pas profité pleinement, remarquez  cela l'ennuya beaucoup pour les Arts auxquels il s'intéressait beaucoup mais moins pour les fêtes et surtout la chasse pour laquelle ce grand territoire s'y prête.

Même en sachant cela, la première chose qui malgré tout surprend lorsque nous entront dans le domaine c'est l'immense forêt qu'il faut pénétrer pour se rendre au Château. C'est vrai que l'ensemble fait pas moins de 5 440 hectares, soit la superficie de Paris intra-muros, encerclés par un mur de 32 km.

Et puis soudain, après l'ombrage des grands arbres voilà la lumière et là-bas enfin l'imposant château apparaît:

« À quatre lieues de Blois, à une heure de la Loire, dans une petite vallée fort basse, entre des marais fangeux et un bois de grands chênes, loin de toutes les routes, on rencontre tout à coup un château royal ou plutôt magique. 
On dirait que, contraint par quelque lampe merveilleuse, un génie de l'Orient l'a enlevé pendant une des mille nuits, et l'a dérobé aux pays du soleil pour le cacher dans ceux du brouillard avec les amours d'un beau prince.



J'arrête Alfred ici, car je voudrais vous faire partager ce sentiment étrange, dû au confinement, d'entrer au château sans y voir dégun * : pas un bus de Japonais à l'entrée, pas un troupeau de Chinois s'éparpillant dans la cous, ni même un groupe de Russes... personne. 

Tous seuls en entrant, la cour vide nous fait une drôle de sensation, on hésite même à s'avancer. Chambord pour moi !

* dégun: personne en Marseillais, nobody.





 
Ce palais est enfoui comme un trésor ; mais à ses dômes bleus, à ses élégants minarets, arrondis sur de larges murs ou élancés dans l'air,


à ses longues terrasses qui dominent les bois, à ses flèches légères que le vent balance, à ses croissants entrelacés partout sur les colonnades, on se croirait dans les royaumes de Bagdad ou de Cachemire, si les murs noircis, leurs tapis de mousse ou de lierre, et la couleur pâle et mélancolique du ciel, n'attestaient un pays pluvieux.

Ce fut bien un génie qui éleva ces bâtiments mais il vint d'Italie et se nomma Le Primatice, ce fut bien un beau prince dont les amours s'y cachèrent ; mais il était roi, et se nommait François Ier. 

Sa salamandre y jette ses flammes partout ; elle étincelle mille fois sur les voûtes, et y multiplie ses flammes comme les étoiles d'un ciel ; 

elle soutient les chapiteaux avec sa couronne ardente ; elle colore les vitraux de ses feux; elle serpente avec les escaliers secrets, et partout semble dévorer de ses regards flamboyants les triples croissants d'une Diane mystérieuse, cette Diane de Poitiers, deux fois déesse et deux fois adorée dans ces bois voluptueux »



« Mais la base de cet étrange monument est comme lui pleine d'élégance et de mystère: c'est un double escalier qui s'élève en deux spirales entrelacées depuis les fondements les plus lointains de l'édifice jusqu'au-dessus des plus hauts clochers, et se termine par une lanterne ou cabinet à jour, couronnée d'une fleur de lis colossale , aperçue de bien loin; deux hommes peuvent y monter en même temps sans se voir.


Cet escalier lui seul semble un petit temple isolé; comme nos églises, il est soutenu et protégé par les arcades de ses ailes minces, transparentes, et pour ainsi dire, brodées à jour. On croirait que la pierre docile s'est ployée sous le doigt de l'architecte; elle paraît, si l'on peut dire, pétrie selon les caprices de son imagination. On conçoit à peine comment les plans en furent tracés, et dans quels termes les ordres furent expliqués aux ouvriers; cela semble une pensée fugitive, une rêverie brillante qui aurait pris tout à coup corps durable; c'est un songe réalisé.
Cinq-Mars montait les larges degrés qui devaient le conduire auprès du Roi, et s'arrêtait sur chaque marche à mesure qu'il approchait...»

Dans ce récit historique et romanesque d'Alfred De Vigny, le marquis d’Effiat, favori de Louis XIII, est amoureux fou de Marie de Gonzague et conspire contre Richelieu qui lui a refuser le mariage. Ce qu'il ne sait pas,  Cinq-Mars,  pendant qu'il redescendra, que c'est le Père Joseph, l'Eminence Grise ! le proche conseiller de Richelieu qui montera par l'autre escalier et donc ne le croisera pas !  Alfred de Vigny utilise adroitement la particularité du chef-d'œuvre qu'est cet escalier à double révolution:

« En ce moment Cinq-Mars crut entendre du bruit sur l'escalier; le Roi rougit un peu.
"Va t'en, dit-il, va vite te préparer pour la chasse; tu seras à cheval près de mon carrosse; va vite, je le veux, va."
Et il poussa lui-même Cinq-Mars vers l'escalier et vers l'entée qui l'avait introduit.
Le favori sortit; mais le trouble de son maître ne lui était point échappé.
Il descendait lentement et en cherchant la cause en lui-même, lorsqu'il crut entendre le bruit de deux pieds qui montaient la double partie de l'escalier à vis tandis qu'il descendait l'autre; il s'arrêta; il remonta, il lui sembla qu'on descendait; il savait qu'on ne pouvait rien voir entre les jours de l'architecture, et se décida à sortir...»



Pour conclure avec Cinq-Mars, sa conspiration avec François-Auguste de Thou et Gaston de France de s’allier avec les Espagnols et débouter (ou même assassiner?) Richelieu, le mènera à sa perte.

 « Ma pensée entière, la pensée de l’homme juste, se dévoilera aux regards du roi même s’il l’interroge, dût-elle me coûter la tête. » 

Cinq-Mars la perdra effectivement sur l'ordre de  Louis XIII et Richelieu à Lyon, avec François-Auguste de Thou, le 12 septembre 1642.  

Un lien pour lire Cinq-Mars dans une ancienne édition ici

Ou le lire en htlm, ici.

Où pour l'écouter (livre audio) là


Pour conclure avec Chambord; Quelques chiffres glanés pour vous épater, en plus des 5440 Ha: 

1800 ouvriers ont travaillés à la construction, se farcissant 220 000 Tonnes de pierres, élevant 156 m2 de façade, créant 426 pièces, plaçant les degrés de 77 escaliers, érigeant 282 cheminées, sculptant 800 chapiteaux et tout ça sous de regard des quelques 200 salamandres, petite bestiole emblématique de François 1er. Et en 2017, le domaine a reçu au total 1 million de personnes.

A + !

mardi 17 novembre 2020

Le masque avant le masque ou Paul Baudry démasqué

C'était quelque temps juste avant le premier confinement qui nous garda loin des lieux de Culture. à
l'Opéra Garnier lors d'un "escape game" (excusez pour l'anglicisme, il faut quand même avouer que certains termes anglais sont efficaces). 

Et, comme au temps des bals masqués de Louis Philippe dans le Grand Foyer du Théatre de la rue Le Peletier (Garnier n'existait pas), nous portions tous un masque pour 
ne pas être reconnu et non pas être contaminé... Le masque avant le masque hygiénique. 
Nous étions déjà venu visiter l'Opéra mais cette fois-ci l'intérêt était de le découvrir d'une façon ludique. 

Il y a de quoi faire cent articles de blogs dans ce Palais car chaque pièce mérite une observation particulière, a une histoire à raconter si n'est plusieurs à travers les époques traversées. Je m'abstiendrais d'en faire plus d'un, mais juste un, pour me garder en mémoire le bonheur d'avoir levé la tête et porté le regard sur le plafond du Grand Foyer; le voici.
L'escape game se déroulait entre le Grand Escalier, le Salon de la Lune avec sa faune nocturne et sa paleur argentée, le Salon du Soleil, illuminé d'ors, l'Avant-Foyer,
 le Grand Vestibule et le Grand Foyer. On nous avait muni d'un plan couvert d'énigmes à résoudre, 
de codes à déchiffrer, des lieux à trouver. Pas facile, facile ! mais heureusement, il y avait, dans des endroits stratégiques, des personnes pour nous aider.

Ceux qui sont entré dans ce Palais savent qu'importe où porte le regard, c'est l'admiration. Mais lorsque j'ai levé les yeux pour cherché Baudry j'ai été stupéfait par la beauté de l'ensemble que mes photos représentent très mal (smartphone) surtout que les toiles culminent à 18 m de hauteur !



Le décor est foisonnant d'or réhaussé par les couleurs vives des peintures.

D'aprés un article de RFI, concernant la restauration des toiles en 2004, l'article raconte que les travaux de décoration furent extrémement longs: 
" Après en avoir reçu la commande en 1861, Charles Garnier s’est attaché à l’édifice, considérant l’Opéra «comme un temple ayant l’art pour divinité, [la salle en étant] le sanctuaire, et [le foyer] la nef»: c’est dire toute 
l’importance que l’architecte a accordé à cet espace lors de la construction de l’édifice dont les travaux, commencés en 1863 furent achevés seulement en 1878. C’est Paul Baudry qui en a peint les décors."


Il va falloir trouver Baudry.



Paul Jacques Aimé Baudry.

Bénédicte Tézenas du Montcel en parlait en ces termes dans "Opéra de Paris : un siècle au Palais Garnier :
Pour peindre le plafond du grand foyer, Baudry vécut huit ans dans un atelier sous les combles, mangeant et couchant dans une loge de danseuse.
« Baudry était presque le seul de notre temps qui sut rallier à lui les camps opposés. Les anciens, les sages, lui pardonnaient ses hardiesses et ses indépendances de génie, parce qu’ils savaient ses études, son labeur et sa conscience artistique. Quant aux jeunes, aux indépendants, ils pardonnaient à Baudry ses études premières, son respect du beau et sa force de savoir, parce qu’ils voyaient l’imagination jaillir de ses œuvres et la liberté de l’art en être l’enseignement ».
Avant de commencer, le peintre part en Italie, copie Raphaël et Michel-Ange. Et de fait, l’exigence du dessin, la logique du plan, les couleurs acides, rappellent la Chapelle Sixtine...

Le plafond à la recherche de Paul Baudry. 













De nos yeux éblouis, nous scrutons les scènes mythologiques et bibliques. Où est -il ?

































Dans les médaillons ? situés au-dessus des grandes baies du foyer ou Baudry a peint des enfants personnifiant la musique chez les différents peuples antiques, apparemment pas de Baudry.






















Parmi les dix voussures latérales ? représentant le Jugement de Pâris, Marsyas, l'Assaut, les Bergers, Saül et David, le Rêve de sainte Cécile, Orphée et Eurydice, Jupiter et
les Corybantes, Orphée et les Ménades, Salomé tous magnifiques mais pas de Baudry ici.

Le plafond central ? ou la Mélodie en robe verte chante tandis que l’Harmonie l'accompagne au violon, elles sont toutes proches car bien sûr inséparables. D'un coté drapée de rouge, la Gloire 
trompette en main, élève une couronne de lauriers et, vétue de pourppre, la Poésie couronnée d'or est emportée par Pégase: nul Baudry là.

Dans les plafonds adjacents ? d'un coté la toile a pour motif  La Tragédie et l'autre la Comédie.: (voir les photos 2 et 3) Pas de Baudry..



Peut-être serait-il avec les muses alors dans les cadres entre chaque voussures ? 


Clio, muse de l'Histoire : tristement seule. 

A coté, voici Calliope, muse de l'éloquence et de la poésie héroïque mais seule aussi et les autres ? 

Seules également:
Melpomène , Muse de la Tragédie; 

Euterpe, muse de la poésie lyrique et donc de la musique; 
Uranie, muse de l'Astronomie;
Thalie, muse la Comédie;
Terpsichore, muse de la Danse; 
Erato, muse de la Poésie Amoureuse; 

Pas de Baudry. 
Pas de Baudry.
Pas de Baudry.


La tête nous tourne ! tout est tellement splendide ! mais point de Baudry




Nous nous approchons des extrémités de la salle, deux voussures représentent l’une, le Parnasse (Apollon, les Grâces, les Muses et quelques compositeurs modernes) ;

l’autre, les poètes 
rassemblés autour d’Homère. 


Pas de Baudry là mais...

mais...


mais...


mais...




mais...oui !




par contre dans le coin droit au-dessus du Parnasse trois visages ! Le voilà enfin ! au milieu avec sa belle moustache ! au dessus Mr Charles Garnier bien sûr et sous lui son frère Ambroise architecte.

On avait passé du temps à le trouver mais ce fut une splendide découverte visuelle ! 

Malgré la mauvaise qualité des photos, j'espère que je vous ai donné l'envie d'aller ou d'y retourner voir ces magnifiques décors. peut-être avant consulter une doc. On trouve sur Gallica deux documents de l'époque qui décrivent très précisément les peintures réalisées par Paul Baudry pour le grand foyer de l’opéra :
- Peintures décoratives de Paul Baudry au grand foyer de l'Opéra : étude critique Émile Bergerat ; avec préface de Théophile Gautier
- Peintures décoratives exécutées pour le foyer public de l'Opéra par Paul Baudry : exposées à l'école nationale des Beaux-arts..., notice par E. About

 Comme je vous le disais là, l'Opéra Garnier m'avait séduit à tel point qu'il m'avait fallu que je me penche sur quelques docs m'expliquant tous ces motifs du plafond du Grand Foyer peint par Paul Baudry.

Mais il y a d'autres masques dans ce Théâtre et pour un ignorant comme moi, (de plus provincial loin de Paris: provençal), autant sur l'art pictural comme sur la mythologie, il parait cafi* de mystères:

A t-on vraiment découvert des corps enterrés datant des massacres pendant la Commune dans les caves de l'Opéra ?

le Lac souterrain abrite t-il vraiment une faune ? des énormes carpes peut-être ?  



Que masque le magnifique plafond de la salle du théâtre peint par Chagall puisqu'il est de 1964 et donc n'est pas contemporain de la décoration ? 



Là j'ai la réponse : les peintures originales n'ont pas été détruite mais juste masquées. L'œuvre du peintre Jules Lenepveu (lien) Les Muses et les Heures du jour et de la nuit est admirable, et on peut se poser la question pourquoi a t-on voulu les masquer. Une image N&B du plafond cliquez ici et une esquisse en couleur cliquez exactement là.





Une dernière question: je me suis arrêté stupéfait devant la  loge n° 5 pour lire la plaque de cuivre: "Loge du Fantôme de l'Opéra"

Le Fantôme a t-il vraiment existé ? 

En attendant vos réponses, je me suis (re) plongé dans le roman de Gaston Leroux !

"Le fantôme de l'Opéra a existé. Ce ne fut point, comme on l'a cru longtemps, une inspiration d'artistes, une superstition de directeurs, la création falote des cervelles excitées de ces demoiselles du corps de ballet, de leurs mères, des ouvreuses, des employés du vestiaire et de la concierge.

Oui, il a existé, en chair et en os..."  (**)

A + !

* En parler provençal donc: « rempli », dans le sens « qui abonde de quelque chose »

** Début de l'avant-propos écrit par l'auteur.